Книга: L'oiseau bleu: Féerie en six actes et douze tableaux / Синяя птица. Книга для чтения на французском языке
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ACTE QUATRIÈME

Sixième tableau

Devant le rideau

[Entrent Tyltyl, Mytyl, la Lumière, le Chien, la Chatte, le Pain, le Feu, le Sucre, l’Eau et le Lait.]

LA LUMIÈRE. J’ai reçu un petit mot de la Fée Bérylune qui m’apprend que l’Oiseau Bleu se trouve probablement ici…

TYLTYL. Où ça?…

LA LUMIÈRE. Ici, dans le cimetière qui est derrière ce mur… Il paraît qu’un des morts de ce cimetière le cache dans la tombe… Reste à savoir lequel… Il faudra qu’on les passe en revue…

TYLTYL. En revue?… Comment qu’on fera?…

LA LUMIÈRE. C’est bien simple: à minuit, pour ne pas trop les déranger, tu tourneras le Diamant. On les verra sortir de terre; ou bien on apercevra au fond de leurs tombes ceux qui ne sortent pas…

TYLTYL. Ils ne seront pas fâchés?…

LA LUMIÈRE. Nullement, ils ne s’en douteront même pas… Ils n’aiment pas qu’on les dérange; mais comme de toutes façons ils ont coutume de sortir à minuit, cela ne les gênera pas…

TYLTYL. Pourquoi que le Pain, le Sucre et le Lait sont si pâles et pourquoi qu’ils ne disent rien?…

LE LAIT [chancelant]. Je sens que je vais tourner…

LA LUMIÈRE [bas, à Tyltyl]. Ne fais pas attention… Ils ont peur des morts.

LE FEU [gambadant]. Moi, je n’en ai pas peur!… J’ai l’habitude de les brûler… Dans les temps, je les brûlais tous; c’était bien plus amusant qu’aujourd’hui…

TYLTYL. Et pourquoi Tylô tremble-t-il?… Estce qu’il a peur aussi?

LE CHIEN [claquant des dents]. Moi?… Je ne tremble pas!… Moi, je n’ai jamais peur; mais si tu t’en alais, je m’en irais aussi…

TYLTYL. Et la Chatte ne dit rien?…

LA CHATTE [mystérieuse]. Je sais ce que c’est…

TYLTYL [à la Lumière]. Tu viendras avec nous?…

LA LUMIÈRE. Non, il est préférable que je reste à la porte du cimetière avec les Choses et les Animaux… L’heure n’est pas venue… La Lumière ne peut pas encore pénétrer chez les morts… Je vais te laisser seul avec Mytyl…

TYLTYL. Et Tylô ne peut pas rester avec nous?…

LE CHIEN. Si, si, je reste, je reste ici… Je veux rester près de mon petit dieu!…

LA LUMIÈRE. C’est impossible… L’ordre de la Fée est formel; du reste, il n’y a rien à craindre…

LE CHIEN. Bien, bien, tant pis… S’ils sont méchants, mon petit dieu, tu n’as qu’à faire comme ça [Il siffle.] et tu verras… Ce sera comme dans la forêt: Wa! Wa! Wa!…

LA LUMIÈRE. Allons, adieu, mes chers petits… Je ne serai pas loin… [Elle embrasse les enfants.] Ceux qui m’aiment et que j’aime me retrouvent toujours… [À ux Choses et aux Animaux.] Vous autres… par ici.

[Elle sort avec les Choses et les Animaux. Les enfants restent seuls au milieu de la scène. Le rideau s’ouvre pour découvrir le septième tableau.]

Septième tableau

Le cimetière

Il fait nuit. Clair de lune. Un cimetière de campagne. Nombreuses tombes, tertres de gazon, croix de bois, dalles funéraires, etc.

[Tyltyl et Mytyl sont debout près d’un cippe.]

MYTYL. J’ai peur.

TYLTYL [assez peu rassuré]. Moi, je n’ai jamais peur…

MYTYL. C’est méchant, les morts, dis?.

TYLTYL. Mais non, puisqu’ils ne vivent pas…

MYTYL. Tu en as déjà vu?…

TYLTYL. Oui, une fois, dans le temps, lorsque j’étais très jeune…

MYTYL. Comment c’est fait, dis?…

TYLTYL. C’est tout blanc, très tranquille et très froid, et ça ne parle pas…

MYTYL. Nous allons les voir, dis?…

TYLTYL. Bien sûr, puisque la Lumière l’a promis…

MYTYL. Où c’est qu’ils sont, les morts?…

TYLTYL. Ici, sous le gazon ou sous ces grosses pierres.

MYTYL. Ils sont là toute l’année?…

TYLTYL. Oui.

MYTYL [montrant les dalles]. C’est les portes de leurs maisons?…

TYLTYL. Oui.

MYTYL. Est-ce qu’ils sortent quand il fait beau?…

TYLTYL. Ils ne peuvent sortir qu’à la nuit…

MYTYL. Pourquoi?…

TYLTYL. Parce qu’ils sont en chemise…

MYTYL. Est-ce qu’ils sortent aussi quand il pleut?.

TYLTYL. Quand il pleut, ils restent chez eux…

MYTYL. C’est beau chez eux, dis?…

TYLTYL. On dit que c’est fort étroit…

MYTYL. Est-ce qu’ils ont des petits enfants?…

TYLTYL. Bien sûr; ils ont tous ceux qui meurent…

MYTYL. Et de quoi vivent-ils?…

TYLTYL. Ils mangent des racines…

MYTYL. Est-ce que nous les verrons?…

TYLTYL. Bien sûr, puisqu’on voit tout quand le Diamant est tourné.

MYTYL. Et qu’est-ce qu’ils diront?…

TYLTYL. Ils ne diront rien, puisqu’ils ne parlent pas…

MYTYL. Pourquoi qu’ils ne parlent pas?…

TYLTYL. Parce qu’ils n’ont rien à dire…

MYTYL. Pourquoi qu’ils n’ont rien à dire?…

TYLTYL. Tu m’embêtes…

[Un silence.]

MYTYL. Quand tourneras-tu le Diamant?…

TYLTYL. Tu sais bien que la Lumière a dit d’attendre à minuit, parce qu’alors on les dérange moins…

MYTYL. Pourquoi qu’on les dérange moins?…

TYLTYL. Parce que c’est l’heure où ils sortent prendre l’air.

MYTYL. Il n’est pas minuit?…

TYLTYL. Vois-tu le cadran de l’église?…

MYTYL. Oui, je vois même la petite aiguille…

TYLTYL. Et bien! minuit va sonner… Là!… Tout uste… Entends-tu?… On entend sonner les douze coups de minuit.

MYTYL. Je veux m’en aller!…

TYLTYL. Ce n’est pas le moment… Je vais tourner le Diamant…

MYTYL. Non, non!… Ne le fais pas!… Je veux m’en aller!… J’ai si peur, petit frère!… J’ai terriblement peur!…

TYLTYL. Mais il n’y a pas de danger…

MYTYL. Je ne veux pas voir les morts!… Je ne veux pas les voir!…

TYLTYL. C’est bon, tu ne les verras pas, tu fermeras les yeux…

MYTYL [s’accrochant aux vêtements de Tyltyl]. Tyltyl, je ne peux pas!… Non, ce n’est pas possible!… Ils vont sortir de terre!…

TYLTYL. Ne tremble pas ainsi… Ils ne sortiront qu’un moment…

MYTYL. Mais tu trembles aussi, toi!… Ils seront effrayants!…

TYLTYL. Il est temps, l’heure passe…

[Tyltyl tourne le Diamant. Une terrifiante minute de silence et d’immobilité; après quoi, lentement, les croix chancellent, les tertres s’entr’ouvrent, les dalles se soulèvent.]

MYTYL [se blottissant contre Tyltyl]. Ils sortent!… Ils sont là!…

[Alors, de toutes les tombes béantes monte graduellement une floraison d’abord grêle et timide comme une vapeur d’eau, puis blanche et virginale et de plus en plus touffue, de plus en plus haute, surabondante et merveilleuse, qui peu à peu, irrésistiblement, envahissant toutes choses, transforme le cimetière en une sorte de jardin féerique et nuptial, sur lequel ne tardent pas à se lever les premiers rayons de l’aube. La rosée scintille, les fleurs s’épanouissent, le vent murmure dans les feuilles, les abeilles bourdonnent, les oiseaux s’éveillent et inondent l’espace des premières ivresses de leurs hymnes au soleil et à la vie. Stupéfaits, éblouis, Tyltyl et Mytyl, se tenant par la main, font quelques pas parmi les fleurs en cherchant la trace des tombes.]

MYTYL [cherchant dans le gazon]. Où sont-ils, les morts?…

TYLTYL [cherchant de même]. Il n’y a pas de morts…

Rideau

Huitième tableau

Devant le rideau qui représente de beaux nuages

Entrent: Tyltyl, Mytyl, la Lumière, le Chien, la Chatte, le Pain, le Feu, le Sucre, l’Eau et le Lait.

LA LUMIÈRE. Je crois que cette fois nous tenons L’Oiseau Bleu. J’aurais dû y penser dès la première étape… Ce n’est que ce matin, en reprenant mes forces dans l’aurore, que l’idée m’est venue comme un rayon du ciel… Nous sommes à l’entrée des jardins enchantés où se trouvent réunis sous la garde du Destin, toutes les Joies, tous les Bonheurs des Hommes…

TYLTYL. Il y en a beaucoup? Est-ce qu’on en aura? Est-ce qu’ils sont petits?…

LA LUMIÈRE. Il en est de petits et de grands, de gros et de délicats, de très beaux et d’autres qui sont moins agréables… Mais les plus vilains furent, il y a quelque temps, expulsés des jardins et cherchèrent refuge chez les Malheurs. Car il faut remarquer que les Malheurs habitent un autre contigu, qui communique avec le jardin des Bonheurs et n’en est séparé que par une sorte de vapeur ou de rideau subtil que e vent qui souffle des hauteurs de la Justice ou du fond de l’Éternité soulève à chaque instant… Maintenant, l s’agit de s’organiser et de prendre certaines précautions. En général, les Bonheurs sont fort bons, pourtant il en est quelques-uns qui sont plus dangereux et plus perfides que les plus grands Malheurs…

LE PAIN. J’ai une idée! S’ils sont dangereux et perfides, ne serait-il pas préférable que nous attendissions tous à la porte, afin d’être à même de prêter main-forte aux enfants s’ils étaient obligés de fuir?…

LE CHIEN. Pas du tout! pas du tout!… Je veux aller partout avec mes petits dieux!… Que tous ceux qui ont peur restent donc à la porte!… Nous n’avons pas besoin [regardant le Pain] de poltrons, [regardant la Chatte] ni de traîtres…

LE FEU. Moi, j’y vais!… Il paraît que c’est amusant!… On y danse tout le temps…

LE PAIN. Est-ce qu’on y mange aussi?…

L’EAU [gémissant]. Je n’ai jamais connu le plus petit Bonheur!… Je veux en voir enfin!…

LA LUMIÈRE. Taisez-vous! Personne ne demande vos avis… Voici ce que j’ai décidé: le Chien, le Pain et le Sucre accompagneront les enfants. L’Eau n’entrera pas, parce qu’elle est trop froide, ni le Feu qui est trop turbulent. J’engage vivement le Lait à rester à la porte, parce qu’il est trop impressionnable; quant à la Chatte, elle fera comme elle voudra…

LE CHIEN. Elle a peur!…

LA CHATTE. J’irai saluer en passant quelques Malheurs qui sont de vieux amis et habitent à côté des Bonheurs…

TYLTYL. Et toi, la Lumière, est-ce que tu ne viens pas?…

LA LUMIÈRE. Je ne peux pas entrer ainsi chez les Bonheurs; la plupart ne me supportent pas… Mais j’ai ici le voile épais dont je me couvre quand je visite les gens heureux… [Elle déplie un long voile dont elles’enveloppe soigneusement.] Il ne faut pas qu’un rayon de mon âme les effraye, car il est beaucoup de Bonheurs qui ont peur et ne sont pas heureux… Voilà, de cette façon, les moins jolis et les plus gros eux-mêmes n’auront plus rien à redouter…

[Le rideau s’ouvre pour découvrir le neuvième tableau.]

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