Книга: L'oiseau bleu: Féerie en six actes et douze tableaux / Синяя птица. Книга для чтения на французском языке
Назад: Об авторе
Дальше: Troisième tableau

ACTE DEUXIÈME

Deuxième tableau

Chez la fée

Un magnifique vestibule dans le palais de la Fée Bérylune. Colonnes de marbre clair à chapiteaux d’or et d’argent, escaliers, portiques, balustrades, etc.

[Entrent au fond, à droite, somptueusement habillés, la Chatte, le Sucre et le Feu. Ils sortent d’un appartement d’où émanent des rayons de lumière; c’est la garde-robe de la Fée. La Chatte a jeté une gaze légère sur son maillot de soie noire, le Sucre a revêtu une robe de soie, mi-partie de blanc et de bleu tendre, et le Feu, coiffé d’aigrettes multicolores, un long manteau cramoisi doublé d’or. Ils traversent toute la salle et descendent au premier plan, à droite, où la Chatte les réunit sous un portique.]

LA CHATTE. Par ici. Je connais tous les détours de ce palais… La Fée Bérylune l’a hérité de Barbe-Bleue… Pendant que les enfants et la Lumière rendent visite à la petite fille de la Fée, profitons de notre dernière minute de liberté… Je vous ai fait venir ici, afin de vous entretenir de la situation qui nous est faite… Sommes-nous tous présents?…

LE SUCRE. Voici le Chien qui sort de la garderobe de la Fée…

LE FEU. Comment diable s’est-il habillé?…

LA CHATTE. Il a pris la livrée d’un des laquais du carrosse de Cendrillon… C’est bien ce qu’il lui fallait… Il a une âme de valet… Mais dissimulonsnous derrière la balustrade… Je m’en méfie étrangement… Il vaudrait mieux qu’il n’entende pas ce que j’ai à vous dire…

LE SUCRE. C’est inutile… Il nous a éventés… Tiens, voilà l’Eau qui sort en même temps de la garderobe… Dieu! qu’elle est belle!…

[Le Chien et l’Eau rejoignent le premier groupe.]

LE CHIEN [gambadant]. Voilà! voilà!… Sommesnous beaux! Regardez donc ces dentelles, et puis ces broderies!… C’est de l’or et du vrai!…

LA CHATTE [à l’Eau]. C’est la robe «couleur-dutemps» de Peau-d’Âne?… Il me semble que je la connais…

L’EAU. Oui, c’est encore ce qui m’allait le mieux…

LE FEU [entre les dents]. Elle n’a pas son parapluie…

L’EAU. Vous dites?…

LE FEU. Rien, rien…

L’EAU. Je croyais que vous parliez d’un gros nez rouge que j’ai vu l’autre jour…

LA CHATTE. Voyons, ne nous querellons pas, nous avons mieux à faire… Nous n’attendons plus que le Pain: où est-il?…

LE CHIEN. Il n’en finissait pas de faire de l’embarras pour choisir son costume…

LE FEU. C’est bien la peine, quand on a l’air idiot et qu’on porte un gros ventre…

LE CHIEN. Finalement, il s’est décidé pour une robe turque, ornée de pierreries, un cimeterre et un turban…

LA CHATTE. Le voilà!… Il a mis la plus belle robe de Barbe-Bleue…

[Entre le Pain, dans le costume qu’on vient de décrire. La robe de soie est péniblement croisée sur son énorme ventre. Il tient d’une main la garde du cimeterre passé dans sa ceinture et de l’autre la cage destinée à l’Oiseau Bleu.]

LE PAIN [se dandidant vaniteusement]. Eh bien?… Comment me trouvez-vous?…

LE CHIEN [gambadant autour du Pain]. Qu’il est beau! qu’il est bête! qu’il est beau! qu’il est beau!…

LA CHATTE [au Pain]. Les enfants sont-ils habillés?…

LE PAIN. Oui, Monsieur Tyltyl a pris la veste rouge, les bas blancs et la culotte bleue du Petit Poucet; quant à Mademoiselle Mytyl, elle a la robe de Grethel et les pantoufles de Cendrillon… Mais la grande affaire, ç’a été d’habiller la Lumière!…

LA CHATTE. Pourquoi?…

LE PAIN. La Fée la trouvait si belle qu’elle ne voulait pas l’habiller du tout!… Alors j’ai protesté au nom de notre dignité d’éléments essentiels et éminem-ment respectables; et j’ai fini par déclarer que, dans ces conditions, je refusais de sortir avec elle…

LE FEU. Il fallait lui acheter un abat-jour!…

LA CHATTE. Et la Fée, qu’a-t-elle répondu?…

LE PAIN. Elle m’a donné quelques coups de bâton sur la tête et le ventre…

LA CHATTE. Et alors?…

LE PAIN. Je fus promptement convaincu, mais au dernier moment, la Lumière s’est décidée pour la robe «couleur-de-lune» qui se trouvait au fond du coffre aux trésors de Peau-d’Âne…

LA CHATTE. Voyons, c’est assez bavardé, le temps presse… Il s’agit de notre avenir… Vous l’avez entendu, la Fée vient de le dire, la fin de ce voyage marquera en même temps la fin de notre vie… Il s’agit donc de le prolonger autant que possible et par tous es moyens possibles… Mais il y a encore autre chose; il faut que nous pensions au sort de notre race et à la destinée de nos enfants…

LE PAIN. Bravo! bravo!… La Chatte a raison!…

LA CHATTE. Écoutez-moi… Nous tous ici présents, animaux, choses et éléments, nous possédons une âme que l’homme ne connaît pas encore. C’est pourquoi nous gardons un reste d’indépendance; mais, s’il trouve l’Oiseau Bleu, il saura tout, il verra tout, et nous serons complètement à sa merci… C’est ce que vient de m’apprendre ma vieille amie la Nuit, qui est en même temps la gardienne des mystères de la Vie… Il est donc de notre intérêt d’empêcher à tout prix qu’on ne trouve cet oiseau, fallût-il aller jusqu’à mettre en péril la vie même des enfants…

LE CHIEN [indigné]. Que dit-elle, celle-là?… Répète un peu que j’entende bien ce que c’est?

LE PAIN. Silence!… Vous n’avez pas la parole!… Je préside l’assemblée…

LE FEU. Qui vous a nommé président?…

L’EAU [au Feu]. Silence!… De quoi vous mêlezvous?…

LE FEU. Je me mêle de ce qu’il faut… Je n’ai pas d’observations à recevoir de vous…

LE SUCRE [conciliant]. Permettez… Ne nous querellons point… L’heure est grave… Il s’agit avant tout de s’entendre sur les mesures à prendre…

LE PAIN. Je partage entièrement l’avis du Sucre et de la Chatte…

LE CHIEN. C’est idiot!… Il y a l’Homme, voilà tout!… Il faut lui obéir et faire tout ce qu’il veut!… Il n’y a que ça de vrai… Je ne connais que lui!… Vive l’Homme!… À la vie, à la mort, tout pour l’Homme!… l’Homme est dieu!…

LE PAIN. Je partage entièrement l’avis du Chien.

LA CHATTE [au Chien]. Mais on donne ses raisons…

LE CHIEN. Il n’y a pas de raisons!… J’aime ’Homme, ça suffit!… Si vous faites quelque chose contre lui, je vous étranglerai d’abord et j’irai tout lui révéler…

LE SUCRE [intervenant avec douceur]. Permettez… N’aigrissons pas la discussion… D’un certain point de vue, vous avez raison, l’un et l’autre… Il y a le pour et le contre…

LE PAIN. Je partage entièrement l’avis du Sucre!…

LA CHATTE. Est-ce que tous ici, l’Eau, le Feu, et vous-mêmes le Pain et le Chien, nous ne sommes pas victimes d’une tyrannie sans nom?… Rappelezvous le temps où, avant la venue du despote, nous errions librement sur la face de la Terre… l’Eau et le Feu étaient les seuls maîtres du monde; et voyez ce qu’ils sont devenus!… Quant à nous, les chétifs descendants des grands fauves… Attention!… N’ayons l’air de rien… Je vois s’avancer la Fée et la Lumière… La Lumière s’est mise du parti de l’Homme; c’est notre pire ennemie… Les voici…

[Entrent à droite, la Fée et la Lumière, suivies de Tyltyl et de Mytyl.]

LA FÉE. Eh bien?… qu’est-ce que c’est?… Que faites-vous dans ce coin?… Vous avez l’air de conspirer… Il est temps de se mettre en route… Je viens de décider que la Lumière sera votre chef… Vous lui obéirez tous comme à moi-même et je lui confie ma baguète… Les enfants visiteront ce soir leurs grandparents qui sont morts… Vous ne les accompagnerez pas, par discrétion… Ils passeront la soirée au sein de leur famille décédée… Pendant ce temps, vous préparerez tout ce qu’il faut pour l’étape de demain, qui sera longue… Allons, debout, en route et chacun à son poste!…

LA CHATTE [hypocritement]. C’est tout juste ce que je leur disais, Madame la Fée… Je les exhortais à remplir consciencieusement et courageusement tout leur devoir; malheureusement, le Chien qui ne cessait de m’interrompre…

LE CHIEN. Que dit-elle?… Attends un peu!…

[Il va bondir sur la chatte, mais Tyltyl, qui a prévenu son mouvement, l’arrête d’un geste menaçant.]

TYLTYL. À bas, Tylô!… Prends garde; et s’il t’arrive encore une seul fois de…

LE CHIEN. Mon petit dieu, tu ne sais pas, c’est elle qui…

TYLTYL [le menaçant.] Tais-toi!…

LA FÉE. Voyons, finissons-en… Que le Pain, ce soir, remette la cage à Tyltyl… Il est possible que l’Oiseau Bleu se cache dans le Passé, chez les grands-parents… En tout cas, c’est une chance qu’il convient de ne point négliger… Eh bien, le Pain, cette cage?…

LE PAIN [solennel]. Un instant, s’il vous plaît, Madame la Fée… [Comme un orateur qui prend la parole.] Vous tous, soyez temoins que cette cage d’argent qui me fut confiée par…

LA FÉE [l’interrompant]. Assez!… Pas de phrases… Nous sortirons par là, tandis que les enfants sortiront par ici…

TYLTYL [avec inquiet]. Nous sortirons tout seuls?…

MYTYL. J’ai faim!…

TYLTYL. Moi aussi!…

LA FÉE [au Pain]. Ouvre ta robe turque et donne leur une tranche de ton bon ventre.

[Le Pain ouvre sa robe, tire son cimeterre et coupe, à même son gros ventre, deux tartines qu’il offre aux enfants.]

LE SUCRE [s’approchant des enfants]. Permettezmoi de vous offrir en même temps quelques sucres d’orge… [Il casse un à un les cinq doigts de sa main gauche et les leur présente.]

MYTYL. Qu’est-ce qu’il fait?… Il casse tous ses doigts…

LE SUCRE [engageant]. Goûtez-les, ils sont excelents… C’est de vrais sucres d’orge…

MYTYL [suçant un des doigts]. Dieu qu’il est bon!… Est-ce que tu en as beaucoup?…

LE SUCRE [modeste]. Mais oui, tant que je veux…

MYTYL. Est-ce que ça te fait mal quand tu les casses ainsi?…

LE SUCRE. Pas du tout… Au contraire; c’est très avantageux, ils repoussent tout de suite, et de cette façon, j’ai toujours des doigts propres et neufs…

LA FÉE. Voyons, mes enfants, ne mangez pas trop de sucre. N’oubliez pas que vous souperez tout à l’heure chez vos grands-parents…

TYLTYL. Ils sont ici?…

LA FÉE. Vous allez les voir à l’instant…

TYLTYL. Comment les verrons-nous, puisqu’ils sont morts?…

LA FÉE. Comment seraient-ils morts puisqu’ils vivent dans votre souvenir?… Les hommes ne savent pas ce secret parce qu’ils savent bien peu de chose; au lieu que toi, grâce au Diamant, tu vas voir que les morts dont on se souvient sont aussi heureux que s’ils n’étaient point morts…

TYLTYL. La Lumière vient avec nous?…

LA LUMIÈRE. Non, il est plus convenable que cela se passe en famille… J’attendrai ici près pour ne point paraître indiscrète… Ils ne m’ont pas invitée.

TYLTYL. Par où faut-il aller?…

LA FÉE. Par là… Vous êtes au seuil du Pays du Souvenir. Dès que tu auras tourné le Diamant, tu verras un gros arbre muni d’un écriteau, qui te montrera que tu es arrivé… Mais n’oubliez pas que vous devez être rentré tous les deux à neuf heures moins le quart… C’est extrêmement important… Surtout soyez exacts, car tout serait perdu si vous vous mettiez en retard… À bientôt… [Appelant la Chatte, le Chien, la Lumière, etc.] Par ici… Et les petits par là…

[Elle sort à droite avec la Lumière, les animaux, etc., tandis que les enfants sortent à gauche.]

Rideau
Назад: Об авторе
Дальше: Troisième tableau