La femme du pilote, réveillée par le téléphone (жена пилота, разбуженная телефоном), regarda son mari et pensa (посмотрела на своего мужа и подумала):
– Je le laisse dormir encore un peu (я дам ему поспать еще немного).
Elle admirait cette poitrine nue (она любовалась этой обнаженной грудью), bien carénée (безупречно обтекаемой формы: «очень обтекаемой»; carène, f – подводная часть судна; caréné – обтекаемой формы), elle pensait à un beau navire (она думала о прекрасном корабле).
Il reposait dans ce lit calme (он лежал в этой тихой кровати; reposer – отдыхать; спать; лежать; покоиться), comme dans un port (как в гавани), et, pour que rien n’agitât son sommeil (и, чтобы ничто не тревожило его сон; agiter – махать, качать, колебать; возмущать; волновать, тревожить), elle effaçait du doigt ce pli (она разглаживала пальцем эту складку), cette ombre (эту тень), cette houle (эту зыбь), elle apaisait ce lit (она усмиряла эту кровать), comme, d’un doigt divin, la mer (как море, божественным пальцем).
La femme du pilote, réveillée par le téléphone, regarda son mari et pensa:
– Je le laisse dormir encore un peu.
Elle admirait cette poitrine nue, bien carénée, elle pensait à un beau navire.
Il reposait dans ce lit calme, comme dans un port, et, pour que rien n’agitât son sommeil, elle effaçait du doigt ce pli, cette ombre, cette houle, elle apaisait ce lit, comme, d’un doigt divin, la mer.
Elle se leva (она встала), ouvrit la fenêtre (открыла окно; ouvrir), et reçut le vent dans le visage (и приняла ветер в лицо = и ветер ударил ей в лицо; recevoir – получать; принимать что-либо). Cette chambre dominait Buenos Aires (эта комната возвышалась над Буэнос-Айресом = из окна этой комнаты был виден весь Буэнос-Айрес). Une maison voisine, où l’on dansait, répandait quelques mélodies (из соседнего дома, в котором танцевали, раздавались какие-то мелодии: «соседний дом, в котором танцевали, распространял какие-то мелодии»; répandre – проливать, разливать; рассыпать; распространять; mélodie, f), qu’apportait le vent (которые доносил ветер), car c’était l’heure des plaisirs et du repos (так как это был час развлечений и отдыха; plaisir, m – удовольствие, радость; развлечение). Cette ville serrait les hommes dans ses cent mille forteresses (этот город сжимал людей в своей сотне тысяч крепостей; forteresse, f); tout était calme et sûr (все /вокруг/ было спокойным и безопасным); mais il semblait à cette femme (но этой женщине казалось) que l’on allait crier (что сейчас закричат) «Aux armes (к оружию; arme, f – оружие)!» et qu’un seul homme, le sien, se dresserait (и что поднимется единственный человек, ее /муж/).
Elle se leva, ouvrit la fenêtre, et reçut le vent dans le visage. Cette chambre dominait Buenos Aires. Une maison voisine, où l’on dansait, répandait quelques mélodies, qu’apportait le vent, car c’était l’heure des plaisirs et du repos. Cette ville serrait les hommes dans ses cent mille forteresses; tout était calme et sûr; mais il semblait à cette femme que l’on allait crier «Aux armes!» et qu’un seul homme, le sien, se dresserait.
Il reposait encore (он еще отдыхал), mais son repos était le repos redoutable des réserves qui vont donner (но его отдых был грозным отдыхом резервных сил, которые вот-вот двинутся в атаку; réserve, f – резерв; запас; donner – давать; ударить; атаковать; двинуться). Cette ville endormie ne le protégeait pas (этот спящий город не защищал его): ses lumières lui sembleraient vaines (его огни покажутся ему бесполезными), lorsqu’il se lèverait, jeune dieu, de leur poussière (когда он, молодой бог, поднимется из их пыли; dieu, m; poussière, f). Elle regardait ces bras solides qui, dans une heure (она смотрела на эти крепкие руки, которые через час; bras, m – рука /от плеча до кисти/), porteraient le sort du courrier d’Europe (понесут судьбу европейского почтового самолета), responsables de quelque chose de grand (ответственные за что-то значительное), comme du sort d’une ville (как за судьбу города).
Il reposait encore, mais son repos était le repos redoutable des réserves qui vont donner. Cette ville endormie ne le protégeait pas: ses lumières lui sembleraient vaines, lorsqu’il se lèverait, jeune dieu, de leur poussière. Elle regardait ces bras solides qui, dans une heure, porteraient le sort du courrier d’Europe, responsables de quelque chose de grand, comme du sort d’une ville.
Et elle fut troublée (и она была встревожена). Cet homme, au milieu de ces millions d’hommes (этот человек, среди миллионов: «этих миллионов» людей; milieu, m – середина; au milieu de… – посреди, между, среди), était préparé seul pour cet étrange sacrifice (был один подготовлен = создан для этой странной жертвы; sacrifice, m). Elle en eut du chagrin (ей стало грустно: «она была огорчена этим»; chagrin, m – печаль, огорчение; avoir du chagrin – быть огорченным). Il échappait aussi à sa douceur (он ускользал также от ее нежности). Elle l’avait nourri (она кормила его), veillé et caressé (она заботилась о нем и ласкала его; veiller – бодрствовать; veiller à qch, sur qch – заботиться о…; смотреть, наблюдать за…), non pour elle-même (не для самой себя), mais pour cette nuit qui allait le prendre (а для этой ночи, которая cейчас заберет его). Pour des luttes (для сражений; lutte, f – борьба), pour des angoisses (для тревог; angoisse, f – тоска, ужас, тревога; страх), pour des victoires (для побед; victoire, f), dont elle ne connaîtrait rien (о которых она ничего не узнает).
Et elle fut troublée. Cet homme, au milieu de ces millions d’hommes, était préparé seul pour cet étrange sacrifice. Elle en eut du chagrin. Il échappait aussi à sa douceur. Elle l’avait nourri, veillé et caressé, non pour elle-même, mais pour cette nuit qui allait le prendre. Pour des luttes, pour des angoisses, pour des victoires, dont elle ne connaîtrait rien.
Ces mains tendres n’étaient qu’apprivoisées (эти нежные руки были всего лишь приручены ею), et leurs vrais travaux étaient obscurs (и их истинные занятия были /ей/ непонятны; travail, m – работа, труд; занятие, дело; obscur – темный, мрачный; неясный; непонятный). Elle connaissait les sourires de cet homme (она знала улыбки этого человека; connaître; sourire, m), ses précautions d’amant (его предосторожности = его осторожное, бережное отношение влюбленного; précaution, f – предосторожность; мера предосторожности), mais non, dans l’orage, ses divines colères (но не его божественные вспышки гнева в бурю; colère, f – гнев; приступ гнева). Elle le chargeait de tendres liens (она отягощала его нежными оковами; charger – грузить; перегружать, отягчать; lien, m – связь; liens, m, pl – узы, оковы): de musique (музыкой; musique, f), d’amour (любовью; amour, m), de fleurs (цветами; fleur, f); mais, à l’heure de chaque départ (но в час каждого отъезда = каждый раз в час отъезда; départ, m), ces liens, sans qu’il en parût souffrir, tombaient (эти оковы падали, и он, казалось, не страдал от этого).
Ces mains tendres n’étaient qu’apprivoisées, et leurs vrais travaux étaient obscurs. Elle connaissait les sourires de cet homme, ses précautions d’amant, mais non, dans l’orage, ses divines colères. Elle le chargeait de tendres liens: de musique, d’amour, de fleurs; mais, à l’heure de chaque départ, ces liens, sans qu’il en parût souffrir, tombaient.
Il ouvrit les yeux (он открыл глаза; œil, m – глаз; les yeux – глаза).
– Quelle heure est-il (который час)?
– Minuit (полночь; minuit, m).
– Quel temps fait-il (какая погода)?
– Je ne sais pas (я не знаю)…
Il ouvrit les yeux.
– Quelle heure est-il?
– Minuit.
– Quel temps fait-il?
– Je ne sais pas…
Il se leva (он встал). Il marchait lentement vers la fenêtre en s’étirant (он медленно шел к окну, потягиваясь).
– Je n’aurai pas très froid (мне будет не очень холодно; froid, m – холод, стужа; avoir froid – мерзнуть). Quelle est la direction du vent (в каком направлении дует ветер: «каково направление ветра»)?
– Comment veux-tu que je sache (откуда мне знать: «как ты хочешь, чтобы я знала»)…
Il se leva. Il marchait lentement vers la fenêtre en s’étirant.
– Je n’aurai pas très froid. Quelle est la direction du vent?
– Comment veux-tu que je sache…
Il se pencha (он наклонился):
– Sud (в южном: «юг»). C’est très bien (очень хорошо). Ça tient au moins jusqu’au Brésil (по крайней мере, он держится: «это держится» до Бразилии; tenir – держаться, стоять).
Il remarqua la lune et se connut riche (он заметил луну и почувствовал себя: «узнал себя» богатым). Puis ses yeux descendirent sur la ville (затем его глаза опустились на город; descendre)
Il ne la jugea ni douce, ni lumineuse, ni chaude (он не счел его ни приятным, ни светлым, ни теплым; juger – судить, решать; составлять себе понятие о…; выносить суждение; считать). Il voyait déjà s’écouler le sable vain de ses lumières (он уже видел, как утекает суетный песок его огней).
– À quoi penses-tu (о чем ты думаешь)?
Il se pencha:
– Sud. C’est très bien. Ça tient au moins jusqu’au Brésil.
Il remarqua la lune et se connut riche. Puis ses yeux descendirent sur la ville.
Il ne la jugea ni douce, ni lumineuse, ni chaude. Il voyait déjà s’écouler le sable vain de ses lumières.
– À quoi penses-tu?
Il pensait à la brume possible du côté de Porto Allègre (он думал о возможном тумане со стороны По́рту-Але́гри).
– J’ai ma tactique (у меня своя тактика). Je sais par où faire le tour (я знаю, как сделать обход = как обойти его; tour, m – обход; объезд).
Il s’inclinait toujours (он по-прежнему наклонялся). Il respirait profondément (он глубоко дышал), comme avant de se jeter, nu, dans la mer (словно перед тем как броситься нагим в море).
– Tu n’es même pas triste (ты даже не грустный)… Pour combien de jours t’en vas-tu (на сколько дней ты уезжаешь; s’en aller – уходить, уезжать)?
Il pensait à la brume possible du côté de Porto Allègre.
– J’ai ma tactique. Je sais par où faire le tour.
Il s’inclinait toujours. Il respirait profondément, comme avant de se jeter, nu, dans la mer.
– Tu n’es même pas triste… Pour combien de jours t’en vas-tu?
Huit, dix jours (на неделю, десять дней; huit jours – неделя: «восемь дней»). Il ne savait pas (он не знал). Triste, non; pourquoi (грустный, нет, отчего)? Ces plaines, ces villes, ces montagnes (эти равнины, города, горы)… Il partait libre (он уезжал свободным / независимым), lui semblait-il (казалось ему), à leur conquête (на их покорение; conquête, f). Il pensait aussi qu’avant une heure il posséderait et rejetterait Buenos Aires (он думал также о том, что не пройдет и часа: «до часа», как он будет обладать Буэнос-Айресом и отбросит его; posséder – иметь, владеть, обладать; держать в руках).
Il sourit (он улыбнулся):
– Cette ville (этот город)… j’en serai si vite loin (я буду так скоро вдали от него). C’est beau de partir la nuit (хорошо улетать ночью; beau – красивый, прекрасный; отличный, хороший). On tire sur la manette des gaz (дергаешь за рычаг управления; manette, f – рукоятка, ручка; рычаг; manette des gaz – рычаг управления двигателем), face au Sud (лицом к югу), et dix secondes plus tard on renverse le paysage (и десятью секундами позже разворачиваешь пейзаж; renverser – опрокидывать, валить; переворачивать, переставлять в обратном порядке), face au Nord (лицом к северу). La ville n’est plus qu’un fond de mer (и город уже не более чем морское дно).
Huit, dix jours. Il ne savait pas. Triste, non; pourquoi? Ces plaines, ces villes, ces montagnes… Il partait libre, lui semblait-il, à leur conquête. Il pensait aussi qu’avant une heure il posséderait et rejetterait Buenos Aires.
Il sourit:
– Cette ville… j’en serai si vite loin. C’est beau de partir la nuit. On tire sur la manette des gaz, face au Sud, et dix secondes plus tard on renverse le paysage, face au Nord. La ville n’est plus qu’un fond de mer.
Elle pensait à tout ce qu’il faut rejeter pour conquérir (она думала обо всем, от чего нужно отказаться ради завоеваний: «обо всем, что нужно отбросить, чтобы завоевывать»).
– Tu n’aimes pas ta maison (ты не любишь свой дом)?
– J’aime ma maison (я люблю мой дом)…
Elle pensait à tout ce qu’il faut rejeter pour conquérir.
– Tu n’aimes pas ta maison?
– J’aime ma maison…
Mais déjà sa femme le savait en marche (но его жена уже знала, что он в пути). Ces larges épaules pesaient déjà contre le ciel (эти широкие плечи уже давили на небо; épaule, f).
Elle le lui montra (она показала его ему).
– Tu as beau temps (у тебя хорошая погода), ta route est pavée d’étoiles (твоя дорога вымощена звездами; étoile, f).
Il rit (он засмеялся; rire):
– Oui (да).
Mais déjà sa femme le savait en marche. Ces larges épaules pesaient déjà contre le ciel.
Elle le lui montra.
– Tu as beau temps, ta route est pavée d’étoiles.
Il rit:
– Oui.
Elle posa la main sur cette épaule (она положила руку на это плечо) et s’émut de la sentir tiède (и была взволнована, почувствовав его тепло: «чувствовать его теплым»; s’émouvoir – волноваться, взволноваться; смутиться) cette chair était donc menacée (так этому телу угрожает опасность; menacer de qch – грозить, угрожать чем-либо; подвергать опасности)?…
– Tu es très fort (ты очень сильный), mais sois prudent (но будь осторожен)!
– Prudent, bien sûr (осторожен, конечно)…
Il rit encore (он снова засмеялся).
Elle posa la main sur cette épaule et s’émut de la sentir tiède: cette chair était donc menacée?…
– Tu es très fort, mais sois prudent!
– Prudent, bien sûr…
Il rit encore.
Il s’habillait (он одевался). Pour cette fête (для этого праздника), il choisissait les étoffes les plus rudes (он выбирал самые грубые ткани; étoffe, f – материя, ткань), les cuirs les plus lourds (самые тяжелые кожи; cuir, m), il s’habillait comme un paysan (он одевался, как крестьянин). Plus il devenait lourd, plus elle l’admirait (чем тяжелее он становился, тем больше она им любовалась). Elle-même bouclait cette ceinture (она сама застегивала этот пояс), tirait ces bottes (натягивала эти сапоги; botte, f).
Il s’habillait. Pour cette fête, il choisissait les étoffes les plus rudes, les cuirs les plus lourds, il s’habillait comme un paysan. Plus il devenait lourd, plus elle l’admirait. Elle-même bouclait cette ceinture, tirait ces bottes.
– Ces bottes me gênent (эти сапоги мне жмут; gêner – беспокоить, стеснять; жать /об обуви/).
– Voilà les autres (вот другие).
– Cherche-moi un cordon pour ma lampe de secours (поищи мне шнур для моей запасной лампы).
Elle le regardait (она смотрела на него). Elle réparait elle-même le dernier défaut dans l’armure (она сама поправляла последний изъян в /его/ доспехах; armure, f – доспехи): tout s’ajustait bien (все было хорошо подогнано; ajuster – пригонять, подгонять /одежду/, прилаживать; соединять).
– Tu es très beau (ты очень красив).
– Ces bottes me gênent.
– Voilà les autres.
– Cherche-moi un cordon pour ma lampe de secours.
Elle le regardait. Elle réparait elle-même le dernier défaut dans l’armure: tout s’ajustait bien.
– Tu es très beau.
Elle l’aperçut qui se peignait soigneusement (она заметила, что он тщательно причесывается: «она заметила его, который причесывался тщательно»; apercevoir).
– C’est pour les étoiles (это ради звезд)?
– C’est pour ne pas me sentir vieux (это для того, чтобы не чувствовать себя старым).
– Je suis jalouse (я ревнива)…
Elle l’aperçut qui se peignait soigneusement.
– C’est pour les étoiles?
– C’est pour ne pas me sentir vieux.
– Je suis jalouse…
Il rit encore (он снова засмеялся), et l’embrassa (поцеловал ее), et la serra contre ses pesants vêtements (и прижал к своим тяжелым одеждам; serrer – жать, сжимать; сдавливать; serrer contre qch – прижать к чему-то; vêtement, m – одежда, платье). Puis il la souleva à bras tendus (затем поднял ее на вытянутых руках; bras, m; tendre – протягивать, вытягивать), comme on soulève une petite fille (как поднимают девочку), et, riant toujours (и, по-прежнему смеясь), la coucha (положил ее):
– Dors (спи; dormir)!
Et fermant la porte derrière lui (закрыв за собой дверь), il fut dans la rue (он оказался на улице), au milieu de l’inconnaissable peuple nocturne (среди непостижимой ночной толпы; peuple, m – народ; люди, толпа), le premier pas de sa conquête (первый шаг в его завоеваниях).
Elle restait là (она осталась там). Elle regardait, triste, ces fleurs (она смотрела, печальная = печально, на эти цветы), ces livres (эти книги; livre, m), cette douceur (эту нежность), qui n’étaient pour lui qu’un fond de mer (которая была для него всего лишь морским дном).
Il rit encore, et l’embrassa, et la serra contre ses pesants vêtements. Puis il la souleva à bras tendus, comme on soulève une petite fille, et, riant toujours, la coucha:
– Dors!
Et fermant la porte derrière lui, il fut dans la rue, au milieu de l’inconnaissable peuple nocturne, le premier pas de sa conquête.
Elle restait là. Elle regardait, triste, ces fleurs, ces livres, cette douceur, qui n’étaient pour lui qu’un fond de mer.