Книга: Французский с Проспером Мериме. Кармен
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III

Je suis né, dit-il, à Elizondo (я родился, сказал он, в Элисондо), dans la vallée de Baztan (в Бастанской долине). Je m’appelle don José Lizarrabengoa (меня зовут дон Хосе Лисаррабенгоа), et vous connaissez assez l’Espagne, monsieur (и вы достаточно хорошо знаете Испанию, сеньор), pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux chrétien (чтобы сразу же понять по моему имени: «чтобы мое имя вам сказало», что я баск и древний христианин). Si je prends le don, c’est que j’en ai le droit (если я беру = называю себя «дон», это потому что я имею на это право), et si j’étais à Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur un parchemin (и, если бы я был в Элисондо, я бы показал вам мою родословную на пергаменте). On voulait que je fusse d’Église (хотели, чтобы я принял духовный сан: «был от Церкви»), et l’on me fit étudier, mais je ne profitais guère (и заставляли учиться, но я не извлекал пользы /из учения/; profit, m – прибыль; выгода, польза).

Je suis né, dit-il, à Elizondo, dans la vallée de Baztan. Je m’appelle don José Lizarrabengoa, et vous connaissez assez l’Espagne, monsieur, pour que mon nom vous dise aussitôt que je suis Basque et vieux chrétien. Si je prends le don, c’est que j’en ai le droit, et si j’étais à Elizondo, je vous montrerais ma généalogie sur un parchemin. On voulait que je fusse d’Église, et l’on me fit étudier, mais je ne profitais guère.

J’aimais trop à jouer à la paume (я слишком любил играть в мяч; paume, f – ладонь; игра в мяч /через сетку; мяч бросался рукой, позднее ракеткой/), c’est ce qui m’a perdu (именно это меня погубило; perdre – терять; погубить). Quand nous jouons à la paume, nous autres Navarrais (когда мы, наваррцы, играем в мяч; nous autres – мы, наш брат), nous oublions tout (мы забываем обо всем). Un jour que j’avais gagné, un gars de l’Alava me chercha querelle (однажды, когда я выиграл, парень из Алавы искал ссоры со мной; querelle, f); nous prîmes nos maquilas, et j’eus encore l’avantage (мы взялись за «макилы»/палки, и я опять победил; avantage, m – выгода; превосходство); mais cela m’obligea de quitter le pays (но это вынудило меня покинуть страну; obliger – обязывать; вынуждать). Je rencontrai des dragons (я встретил драгунов; dragon, m – дракон; драгун), et je m’engageai dans le régiment d’Almanza, cavalerie (и я поступил в Альмансский полк, в кавалерию; s’engager – обязываться; наниматься, пойти). Les gens de nos montagnes apprennent vite le métier militaire (люди с наших гор = наши горцы быстро обучаются военному делу; montagne, f; métier, m – ремесло; дело).

J’aimais trop à jouer à la paume, c’est ce qui m’a perdu. Quand nous jouons à la paume, nous autres Navarrais, nous oublions tout. Un jour que j’avais gagné, un gars de l’Alava me chercha querelle; nous prîmes nos maquilas, et j’eus encore l’avantage; mais cela m’obligea de quitter le pays. Je rencontrai des dragons, et je m’engageai dans le régiment d’Almanza, cavalerie. Les gens de nos montagnes apprennent vite le métier militaire.

Je devins bientôt brigadier (я скоро стал ефрейтором; brigadier, m – бригадир; капрал), et on me promettait de me faire maréchal des logis (и меня обещали произвести в вахмистры; maréchal, m – маршал; /уст./ кавалерийский офицер; maréchal des logis – сержант; вахмистр), quand, pour mon malheur, on me mit de garde à la manufacture de tabacs à Séville (когда, к моему несчастью, меня поставили охранять табачную фабрику в Севилье; garde, f – хранение; охрана). Si vous êtes allé à Séville, vous aurez vu ce grand bâtiment-là (если вы бывали в Севилье, вы, должно быть, видели это большое строение), hors des remparts, près du Guadalquivir (за крепостной стеной над Гвадалквивиром; rempart, m – земляной вал; крепостная стена). Il me semble en voir encore la porte et le corps de garde auprès (мне кажется, что я все еще = я как сейчас вижу дверь и караульное помещение возле нее; corps, m – тело; /воен./ корпус; караульное помещение). Quand ils sont de service, les Espagnols jouent aux cartes, ou dorment (находясь на службе, испанцы играют в карты или спят); moi, comme un franc Navarrais, je tâchais toujours de m’occuper (я, как истинный наваррец, всегда пытался найти себе дело; franc – вольный; настоящий, подлинный; s’occuper – заниматься; найти себе дело).

Je devins bientôt brigadier, et on me promettait de me faire maréchal des logis, quand, pour mon malheur, on me mit de garde à la manufacture de tabacs à Séville. Si vous êtes allé à Séville, vous aurez vu ce grand bâtiment-là, hors des remparts, près du Guadalquivir. Il me semble en voir encore la porte et le corps de garde auprès. Quand ils sont de service, les Espagnols jouent aux cartes, ou dorment; moi, comme un franc Navarrais, je tâchais toujours de m’occuper.

Je faisais une chaîne avec du fil de laiton (я делал цепь из латунной проволоки; fil, m – нить; проволока; laiton, m), pour tenir mon épinglette (для моего затравника: «чтобы держать мой затравник»; tenir – держать; épinglette, f – буравчик; затравник). Tout d’un coup les camarades disent (вдруг товарищи говорят): « Voilà la cloche qui sonne (вот и колокол звонит); les filles vont rentrer à l’ouvrage (сейчас девушки вернутся на работу; ouvrage, m – работа, труд; дело). » Vous saurez, monsieur, qu’il y a bien quatre à cinq cents femmes occupées dans la manufacture (вы, может быть, знаете: «будете знать», сеньор, что на фабрике занято четыреста-пятьсот женщин). Ce sont elles qui roulent les cigares dans une grande salle (именно они скручивают сигары в большой комнате; rouler – катить; скручивать), où les hommes n’entrent pas sans une permission du Vingt-quatre (куда мужчины не заходят без разрешения вейнтикуатро), parce qu’elles se mettent à leur aise, les jeunes surtout, quand il fait chaud (потому что они раздеваются, особенно молодые, когда жарко; aise, f – удовольствие; удобство; se mettre à l’aise – чувствовать себя непринужденно).

Je faisais une chaîne avec du fil de laiton, pour tenir mon épinglette. Tout d’un coup les camarades disent: « Voilà la cloche qui sonne; les filles vont rentrer à l’ouvrage. » Vous saurez, monsieur, qu’il y a bien quatre à cinq cents femmes occupées dans la manufacture. Ce sont elles qui roulent les cigares dans une grande salle, où les hommes n’entrent pas sans une permission du Vingt-quatre, parce qu’elles se mettent à leur aise, les jeunes surtout, quand il fait chaud.

À l’heure où les ouvrières rentrent, après leur dîner (в час, когда работницы возвращаются, после обеда; dîner, m – ужин; /уст./ обед), bien des jeunes gens vont les voir passer (многие молодые люди идут посмотреть, как они проходят /мимо/), et leur en content de toutes les couleurs (и рассказывают им всякую всячину; couleur, f – цвет; en dire de toutes les couleurs à qn – такого наговорить кому-либо). Il y a peu de ces demoiselles qui refusent une mantille de taffetas (немногие из этих девушек отказываются от мантильи из тафты; taffetas, m), et les amateurs, à cette pêche-là, n’ont qu’à se baisser pour prendre le poisson (и любителям этой рыбалки достаточно лишь нагнуться, чтобы поймать рыбку). Pendant que les autres regardaient (в то время как другие смотрели), moi, je restais sur mon banc, près de la porte (я оставался на моей скамье возле ворот). J’étais jeune alors (тогда я был юн); je pensais toujours au pays (я все еще думал о /моей/ стране = вспоминал о родине), et je ne croyais pas qu’il y eût de jolies filles sans jupes bleues et sans nattes tombant sur les épaules (и думал, что не бывает красивых девушек, которые не носят синие юбки и косы, спадающие на плечи; natte, f – циновка; коса /волос/).

À l’heure où les ouvrières rentrent, après leur dîner, bien des jeunes gens vont les voir passer, et leur en content de toutes les couleurs. Il y a peu de ces demoiselles qui refusent une mantille de taffetas, et les amateurs, à cette pêche-là, n’ont qu’à se baisser pour prendre le poisson. Pendant que les autres regardaient, moi, je restais sur mon banc, près de la porte. J’étais jeune alors; je pensais toujours au pays, et je ne croyais pas qu’il y eût de jolies filles sans jupes bleues et sans nattes tombant sur les épaules.

D’ailleurs, les Andalouses me faisaient peur (к тому же андалузки пугали меня = я боялся андалузок); je n’étais pas encore fait à leurs manières (я еще не привык к их манерам): toujours à railler, jamais un mot de raison (постоянные насмешки, ни одного рассудительного слова; railler – высмеивать, поднимать на смех; raison, f – разум; здравый смысл). J’étais donc le nez sur ma chaîne (итак, я уткнулся носом в свою цепь), quand j’entends des bourgeois qui disaient (как вдруг слышу, как какие-то штатские говорят; bourgeois, m – буржуа; штатский): « Voilà la gitanilla (а вот и цыганочка /исп./)!» Je levai les yeux, et je la vis (я поднял глаза и увидел ее). C’était un vendredi, et je ne l’oublierai jamais (это была пятница, и я этого никогда не забуду). Je vis cette Carmen que vous connaissez (я увидел эту Кармен, которую вы знаете), chez qui je vous ai rencontré il y a quelques mois (у которой я вас встретил несколько месяцев назад).

D’ailleurs, les Andalouses me faisaient peur; je n’étais pas encore fait à leurs manières: toujours à railler, jamais un mot de raison. J’étais donc le nez sur ma chaîne, quand j’entends des bourgeois qui disaient: « Voilà la gitanilla! » Je levai les yeux, et je la vis. C’était un vendredi, et je ne l’oublierai jamais. Je vis cette Carmen que vous connaissez, chez qui je vous ai rencontré il y a quelques mois.

Elle avait un jupon rouge fort court (на ней была очень короткая красная юбка) qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou (из-под которой видны были: «которая позволяла увидеть» дырявые белые шелковые чулки: «с больше чем одной дырой»; trou, m – дыра; soie, f), et des souliers mignons de maroquin rouge (и миленькие туфли красного сафьяна) attachés avec des rubans couleur de feu (привязанные лентами цвета огня; mignon – миленький, славный; крошечный; ruban, m; couleur, f). Elle écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie (она откинула свою мантилью, чтобы показать свои плечи и большой букет кассии; écarter – раздвигать; отодвигать; cassie, f) qui sortait de sa chemise (который выступал из ее рубашки; sortir – выходить; выступать). Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche (у нее был еще один цветок кассии в зубах: «в углу рта»), et elle s’avançait en se balançant sur ses hanches (и она шла, покачавая бедрами; hanche, f) comme une pouliche du haras de Cordoue (как молодая кобыла с конного завода в Кордове; pouliche, f – молодая кобыла; haras, m – конный завод).

Elle avait un jupon rouge fort court qui laissait voir des bas de soie blancs avec plus d’un trou, et des souliers mignons de maroquin rouge attachés avec des rubans couleur de feu. Elle écartait sa mantille afin de montrer ses épaules et un gros bouquet de cassie qui sortait de sa chemise. Elle avait encore une fleur de cassie dans le coin de la bouche, et elle s’avançait en se balançant sur ses hanches comme une pouliche du haras de Cordoue.

Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer (в моей стране женщина в подобном наряде заставила бы всех перекреститься; costume, m – костюм; одеяние). À Séville, chacun lui adressait quelque compliment gaillard sur sa tournure (в Севилье каждый адресовал какой-нибудь игривый комплимент по поводу ее внешности; gaillard – веселый; вольный, игривый; tournure, f – оборот дела; внешность); elle répondait à chacun (она отвечала каждому), faisant les yeux en coulisse (строя глазки; coulisse, f – выдвижное окно; задвижная дверца; задвижка: faire des yeux en coulisse – делать/строить глазки; наблюдать украдкой; закатывать глаза, regarder en coulisse – смотреть украдкой; couler – течь, бежать), le poing sur la hanche (подбочась: «кулаки на бедрах»), effrontée comme une vraie bohémienne qu’elle était (бесстыдная, какой может быть только цыганка: «как настоящая цыганка, какой она и была»). D’abord elle ne me plut pas (сначала она мне не понравилась; plaire), et je repris mon ouvrage (и я продолжил свое дело); mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats (но она, следуя привычке женщин и кошек; usage, m – обычай; привычка) qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas (которые не приходят, когда их зовут, и приходят, когда их не зовут), s’arrêta devant moi et m’adressa la parole (остановилась передо мной и заговорила со мной: «адресовала мне слово»):

– Compère, me dit-elle à la façon andalouse (приятель, – сказала она мне по-андалузски; compère, m – /уст./ кум; приятель), veux-tu me donner ta chaîne pour tenir les clefs de mon coffre-fort (не отдашь ли ты мне твою цепь, чтобы держать = повесить ключи от моего денежного сундука; coffre-fort, m – несгораемый шкаф; coffre, m – сундук)?

Dans mon pays, une femme en ce costume aurait obligé le monde à se signer. À Séville, chacun lui adressait quelque compliment gaillard sur sa tournure; elle répondait à chacun, faisant les yeux en coulisse, le poing sur la hanche, effrontée comme une vraie bohémienne qu’elle était. D’abord elle ne me plut pas, et je repris mon ouvrage; mais elle, suivant l’usage des femmes et des chats qui ne viennent pas quand on les appelle et qui viennent quand on ne les appelle pas, s’arrêta devant moi et m’adressa la parole:

– Compère, me dit-elle à la façon andalouse, veux-tu me donner ta chaîne pour tenir les clefs de mon coffre-fort?

– C’est pour attacher mon épinglette, lui répondis-je (это чтобы привязать мой затравник, – ответил я).

– Ton épinglette! s’écria-t-elle en riant (твой затравник, – воскликнула она, смеясь). Ah! monsieur fait de la dentelle, puisqu’il a besoin d’épingles (ах, сеньор плетет кружево, раз ему нужны булавки; épingle, f)!

Tout le monde qui était là se mit à rire (все, кто там находился, засмеялись), et moi, je me sentais rougir (а я почувствовал, что краснею; rouge – красный), et je ne pouvais trouver rien à lui répondre (а я не нашелся, что ответить: «а я не мог найти ничего, чтобы ей ответить»).

– Allons, mon cœur, reprit-elle (ну же, душа моя, продолжила она; cœur, m – сердце), fais-moi sept aunes de dentelle noire pour une mantille (сделай мне семь локтей черного кружева для мантильи; aune, f – /уст./ локоть /=120 см/), épinglier de mon âme (милый мой булавочник: «булавочник моей души»)!

– C’est pour attacher mon épinglette, lui répondis-je.

– Ton épinglette! s’écria-t-elle en riant. Ah! monsieur fait de la dentelle, puisqu’il a besoin d’épingles!

Tout le monde qui était là se mit à rire, et moi, je me sentais rougir, et je ne pouvais trouver rien à lui répondre.

– Allons, mon cœur, reprit-elle, fais-moi sept aunes de dentelle noire pour une mantille, épinglier de mon âme!

Et prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche (и, взяв цветок кассии, который был у нее в зубах), elle me la lança, d’un mouvement du pouce (она бросила его мне щелчком: «движением большого пальца»), juste entre les deux yeux (прямо между глаз). Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait (сеньор, это произвело на меня действие пули = мне показалось будто в меня выстрелили; balle, f – мяч; пуля)… Je ne savais où me fourrer (я не знал, куда деваться; se fourrer – /разг./ проникать; деваться), je demeurais immobile comme une planche (и стоял, не двигаясь, как доска = как столб). Quand elle fut entrée dans la manufacture (когда она зашла на фабрику), je vis la fleur de cassie qui était tombée à terre entre mes pieds (я увидел, что цветок кассии упал на землю у моих ног; terre, f); je ne sais ce qui me prit (не знаю, что на меня нашло; prendre – брать; объять, охватить), mais je la ramassai sans que mes camarades s’en aperçussent (но я подобрал его так, что мои товарищи этого не заметили; s’apercevoir) et je la mis précieusement dans ma veste (и положил его бережно в мою куртку; précieusement – тщательно; бережно; précieux – драгоценный, дорогой). Première sottise (первая глупость; sot – глупый)!

Et prenant la fleur de cassie qu’elle avait à la bouche, elle me la lança, d’un mouvement du pouce, juste entre les deux yeux. Monsieur, cela me fit l’effet d’une balle qui m’arrivait… Je ne savais où me fourrer, je demeurais immobile comme une planche. Quand elle fut entrée dans la manufacture, je vis la fleur de cassie qui était tombée à terre entre mes pieds; je ne sais ce qui me prit, mais je la ramassai sans que mes camarades s’en aperçussent et je la mis précieusement dans ma veste. Première sottise!

Deux ou trois heures après, j’y pensais encore (спустя два или три часа я еще думал об этом), quand arrive dans le corps de garde un potier tout haletant (когда в караульное помещение прибегает запыхавшийся гончар/горшечник; arriver – прибывать; haleter – прерывисто дышать; задыхаться; запыхаться; pot, m – горшок), la figure renversée (на котором лица не было; renversé – опрокинутый; взволнованный). Il nous dit que dans la grande salle des cigares (он говорит нам, что в большой сигарной комнате), il y avait une femme assassinée (лежит убитая женщина), et qu’il fallait y envoyer la garde (и что нужно туда отправить охрану). Le maréchal me dit de prendre deux hommes et d’y aller voir (сержант велит мне взять двух человек и пойти туда посмотреть, /в чем дело/). Je prends mes hommes et je monte (я беру своих людей и поднимаюсь).

Deux ou trois heures après, j’y pensais encore, quand arrive dans le corps de garde un potier tout haletant, la figure renversée. Il nous dit que dans la grande salle des cigares, il y avait une femme assassinée, et qu’il fallait y envoyer la garde. Le maréchal me dit de prendre deux hommes et d’y aller voir. Je prends mes hommes et je monte.

Figurez-vous, monsieur, qu’entré dans la salle (представьте, сеньор, что, входя в комнату) je trouve d’abord trois cents femmes en chemise (я вижу сначала триста женщин в рубашках), ou peu s’en faut (или вроде того), toutes criant, hurlant, gesticulant (все они кричат, вопят, жестикулируют; hurler – выть; вопить), faisant un vacarme à ne pas entendre Dieu tonner (производя шум, что хоть гром греми – не услышишь; Dieu – Бог; tonner – греметь, грохотать; производить гром). D’un côté, il y en avait une, les quatre fers en l’air (в стороне лежала одна, вверх тормашками; fer, m – железо; изделие из железа; tomber les quatre fers en l'air – упасть вверх тормашками), couverte de sang (покрытая = залитая кровью), avec un X sur la figure qu’on venait de lui marquer en deux coups de couteau (с крестом на лице, который только что ей начертили на лице двумя ударами ножа; marquer – обозначать; ставить клеймо; оставить отпечаток; coup, m; couteau, m). En face de la blessée, que secouraient les meilleures de la bande (напротив раненой, которой помогали лучшие из группы = самые расторопные; secourir; bande, f – шайка, банда; толпа), je vois Carmen tenue par cinq ou six commères (я вижу Кармен, которую унимают пять-шесть кумушек; tenir – держать; commère, f – /уст./ кума; кумушка). La femme blessée criait (раненая женщина кричала): « Confession (на исповедь)! confession (на исповедь)! je suis morte (я умираю)! »

Figurez-vous, monsieur, qu’entré dans la salle je trouve d’abord trois cents femmes en chemise, ou peu s’en faut, toutes criant, hurlant, gesticulant, faisant un vacarme à ne pas entendre Dieu tonner. D’un côté, il y en avait une, les quatre fers en l’air, couverte de sang, avec un X sur la figure qu’on venait de lui marquer en deux coups de couteau. En face de la blessée, que secouraient les meilleures de la bande, je vois Carmen tenue par cinq ou six commères. La femme blessée criait: « Confession! confession! je suis morte! »

Carmen ne disait rien (Кармен ничего не говорила); elle serrait les dents (она стиснула зубы; serrer – сжимать; стискивать), et roulait des yeux comme un caméléon (и вращала глазами, как хамелеон; rouler – катить; вращать). « Qu’est-ce que c’est? » demandai-je (в чем дело, – спросил я). J’eus grand-peine à savoir ce qui s’était passé (с большим трудом я выяснил, что произошло; peine, f – наказание; труд), car toutes les ouvrières me parlaient à la fois (так как все работницы говорили со мной одновременно). Il paraît que la femme blessée s’était vantée d’avoir assez d’argent en poche (оказывается, раненая женщина похвасталась, что у нее достаточно денег в кармане; paraître – показываться; казаться; argent, m – серебро; деньги; poche, f) pour acheter un âne au marché de Triana (чтобы купить осла на рынке Триана). « Tiens, dit Carmen, qui avait une langue (слушай, – сказала Кармен, которая была остра на язык: «имела язык»), tu n’as donc pas assez d’un balai (тебе мало метлы)? »

Carmen ne disait rien; elle serrait les dents, et roulait des yeux comme un caméléon. « Qu’est-ce que c’est? » demandai-je. J’eus grand-peine à savoir ce qui s’était passé, car toutes les ouvrières me parlaient à la fois. Il paraît que la femme blessée s’était vantée d’avoir assez d’argent en poche pour acheter un âne au marché de Triana. « Tiens, dit Carmen, qui avait une langue, tu n’as donc pas assez d’un balai? »

L’autre, blessée du reproche (другая, задетая укором; blessé – раненый; оскорбленный, задетый), peut-être parce qu’elle se sentait véreuse sur l’article (может быть, потому что она чувствовала, что небезвинна в этом деле; véreux – червивый; сомнительный, нечестный; article, m – статья; пункт), lui répond qu’elle ne se connaissait pas en balais (она ответила, что не разбирается в метлах; se connaître – быть знакомым; быть знатоком), n’ayant pas l’honneur d’être bohémienne ni filleule de Satan (не имея чести быть цыганкой, ни крестной дочерью Сатаны), mais que mademoiselle Carmencita ferait bientôt connaissance avec son âne (но что сеньорита Карменсита познакомится скоро с ее ослом), quand M. le corrégidor la mènerait à la promenade (когда господин коррехидор повезет ее на прогулку) avec deux laquais par-derrière pour l’émoucher (с двумя лакеями позади, чтобы отгонять мух). « Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue (что ж, а я, – сказала Кармен, – я сделаю тебе водопой для мух на щеке; abreuvoir, m – водопой; abreuver – поить /животных/; mouche, f), et je veux y peindre un damier (и разрисую их как шахматную доску). » Là-dessus, vli-vlan (и тут же, чик-чик; vlan! – трах!; бац!; чик!)! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares (ножом, которым она отрезала кончики сигар, она начинает), à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure (рисовать ей андреевские кресты на лице).

L’autre, blessée du reproche, peut-être parce qu’elle se sentait véreuse sur l’article, lui répond qu’elle ne se connaissait pas en balais, n’ayant pas l’honneur d’être bohémienne ni filleule de Satan, mais que mademoiselle Carmencita ferait bientôt connaissance avec son âne, quand M. le corrégidor la mènerait à la promenade avec deux laquais par-derrière pour l’émoucher. « Eh bien, moi, dit Carmen, je te ferai des abreuvoirs à mouches sur la joue, et je veux y peindre un damier. » Là-dessus, vli-vlan! elle commence, avec le couteau dont elle coupait le bout des cigares, à lui dessiner des croix de Saint-André sur la figure.

Le cas était clair; je pris Carmen par le bras (случай был ясным, я взял Кармен за руку; cas, m – случай; дело; clair – светлый; понятный, ясный): « Ma sœur, lui dis-je poliment, il faut me suivre. » (сестрица, – сказал я ей вежливо, – идемте за мной: «нужно идти за мной») Elle me lança un regard comme si elle me reconnaissait (она бросила на меня взгляд, словно она узнала меня; reconnaître); mais elle dit d’un air résigné (но она сказала с покорным видом; se résigner – смиряться, безропотно покоряться): « Marchons (идем). Où est ma mantille (где моя мантилья)? » Elle la mit sur sa tête (она надела ее на голову; mettre – ставить, помещать; надевать) de façon à ne montrer qu’un seul de ses grands yeux (так, что виден был лишь один ее большой глаз), et suivit mes deux hommes, douce comme un mouton (и пошла за моими двумя людьми, кроткая как ягненок; doux – сладкий; податливый, кроткий; doux comme un agneau, doux comme un mouton – кроткий как ягненок). Arrivés au corps de garde, le maréchal des logis dit que c’était grave (когда мы пришли в караульное помещение, вахмистр сказал, что /случай/ серьезный), et qu’il fallait la mener à la prison (и что нужно отвести ее в тюрьму).

Le cas était clair; je pris Carmen par le bras: « Ma sœur, lui dis-je poliment, il faut me suivre. » Elle me lança un regard comme si elle me reconnaissait; mais elle dit d’un air résigné: « Marchons. Où est ma mantille? » Elle la mit sur sa tête de façon à ne montrer qu’un seul de ses grands yeux, et suivit mes deux hommes, douce comme un mouton. Arrivés au corps de garde, le maréchal des logis dit que c’était grave, et qu’il fallait la mener à la prison.

C’était encore moi qui devais la conduire (и опять именно я должен был ее сопровождать). Je la mis entre deux dragons (я поместил ее между двумя драгунами), et je marchais derrière comme un brigadier doit faire en semblable rencontre (и шел позади, как должен делать ефрейтор в подобных случаях; rencontre, f – встреча; случайное обстоятельство, случай). Nous nous mîmes en route pour la ville (мы отправились в город; se mettre en route – отправиться в путь). D’abord la bohémienne avait gardé le silence (сначала цыганка хранила молчание; garder – охранять; хранить); mais dans la rue du Serpent (но на Змеиной улице; serpent, m – змея), – vous la connaissez, elle mérite bien son nom par les détours qu’elle fait (вы ее знаете, она заслуживает свое название из-за поворотов, которые она образует), – dans la rue du Serpent, elle commence par laisser tomber sa mantille sur ses épaules (на Змеиной улице она начинает с того, что опускает свою мантилью на плечи), afin de me montrer son minois enjôleur (чтобы показать мне свое соблазнительное миловидное личико; minois, m – миловидное личико, рожица, мордочка, мордашка; enjôler – /разг./ обольщать; завлекать), et, se tournant vers moi autant qu’elle pouvait, elle me dit (и, оборачиваясь ко мне настолько, насколько она может, она говорит мне):

– Mon officier, où me menez-vous (офицер, куда вы меня ведете)?

C’était encore moi qui devais la conduire. Je la mis entre deux dragons, et je marchais derrière comme un brigadier doit faire en semblable rencontre. Nous nous mîmes en route pour la ville. D’abord la bohémienne avait gardé le silence; mais dans la rue du Serpent, – vous la connaissez, elle mérite bien son nom par les détours qu’elle fait, – dans la rue du Serpent, elle commence par laisser tomber sa mantille sur ses épaules, afin de me montrer son minois enjôleur, et, se tournant vers moi autant qu’elle pouvait, elle me dit:

– Mon officier, où me menez-vous?

– À la prison, ma pauvre enfant (в тюрьму, мое бедное дитя), lui répondis-je le plus doucement que je pus (ответил я ей, как можно более ласково; doucement – тихо; мягко, ласково), comme un bon soldat doit parler à un prisonnier, surtout à une femme (как хороший солдат и должен разговаривать с узником, особенно с женщиной).

– Hélas! que deviendrai-je (ах, что со мной станет; devenir)? Seigneur officier, ayez pitié de moi (сеньор офицер, имейте жалость ко мне = сжальтесь надо мной; pitié, f). Vous êtes si jeune, si gentil (вы такой молодой, такой добрый; gentil, m – милый; добрый)… Puis, d’un ton plus bas (затем, понизив голос: «тоном ниже»): Laissez-moi m’échapper, dit-elle (дайте мне сбежать, – сказала она), je vous donnerai un morceau de la bar lachi (я дам вам кусочек «бар лачи»), qui vous fera aimer de toutes les femmes (и все женщины будут любить вас: «который сделает вас любимым всеми женщинами»).

– À la prison, ma pauvre enfant, lui répondis-je le plus doucement que je pus, comme un bon soldat doit parler à un prisonnier, surtout à une femme.

– Hélas! que deviendrai-je? Seigneur officier, ayez pitié de moi. Vous êtes si jeune, si gentil… Puis, d’un ton plus bas: Laissez-moi m’échapper, dit-elle, je vous donnerai un morceau de la bar lachi, qui vous fera aimer de toutes les femmes.

La bar lachi, monsieur, c’est la pierre d’aimant («бар лачи», сеньор, это магнитная руда; pierre, f – камень; aimant, m – магнит), avec laquelle les bohémiens prétendent qu’on fait quantité de sortilèges (при помощи которого, как утверждают цыгане, можно совершать разные колдовства; quantité, f – количество; масса; sortilège, m) quand on sait s’en servir (если уметь им пользоваться). Faites-en boire à une femme une pincée râpée dans un verre de vin blanc (дайте выпить женщине щепотку в стакане белого вина; râper – тереть на терке), elle ne résiste plus (она не сможет устоять: «она больше не будет сопротивляться»).

Moi, je lui répondis le plus sérieusement que je pus (я ответил ей насколько можно серьезнее: «наиболее серьезно, как смог»):

– Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes (мы здесь не для того, чтобы говорить вздор; baliverne, f); il faut aller à la prison, c’est la consigne (нужно идти в тюрьму, это приказ; consigne, f – инструкция; приказание), et il n’y a pas de remède (и тут ничем помочь нельзя: «и нет средств»; remède, m – лекарство; средство).

La bar lachi, monsieur, c’est la pierre d’aimant, avec laquelle les bohémiens prétendent qu’on fait quantité de sortilèges quand on sait s’en servir. Faites-en boire à une femme une pincée râpée dans un verre de vin blanc, elle ne résiste plus.

Moi, je lui répondis le plus sérieusement que je pus:

– Nous ne sommes pas ici pour dire des balivernes; il faut aller à la prison, c’est la consigne, et il n’y a pas de remède.

Nous autres gens du pays basque (у нас, людей из страны басков), nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols (у нас имеется акцент, который легко узнается испанцами); en revanche il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona (зато из них нет ни одного, кто бы мог научиться говорить хотя бы baï, jaona). Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces (поэтому Кармен было нетрудно догадаться, что я был родом из Провинций; peine, f – наказание; труд; трудность). Vous saurez que les bohémiens, monsieur, comme n’étant d’aucun pays, voyageant toujours (вы, вероятно, знаете, сеньор, что цыгане, не принадлежа ни к какой стране, все время путешествуют = кочуют), parlent toutes les langues (говорят на всех языках), et la plupart sont chez eux en Portugal, en France, dans les provinces, en Catalogne, partout (и большинство их /чувствует себя/ дома и в Португалии, и во Франции, и в Провинциях, и в Каталонии, повсюду); même avec les Maures et les Anglais, ils se font entendre (они умеют объясниться даже с маврами и с англичанами; se faire entendre – добиться понимания, найти общий язык с кем-либо; хорошо объясняться). Carmen savait assez bien le basque (Кармен знала достаточно хорошо баскский язык).

Nous autres gens du pays basque, nous avons un accent qui nous fait reconnaître facilement des Espagnols; en revanche il n’y en a pas un qui puisse seulement apprendre à dire baï, jaona. Carmen donc n’eut pas de peine à deviner que je venais des provinces. Vous saurez que les bohémiens, monsieur, comme n’étant d’aucun pays, voyageant toujours, parlent toutes les langues, et la plupart sont chez eux en Portugal, en France, dans les provinces, en Catalogne, partout; même avec les Maures et les Anglais, ils se font entendre. Carmen savait assez bien le basque.

– Laguna, ene biholsarena, camarade de mon cœur, me dit-elle tout à coup (Laguna, ene biholsarena, друг сердечный, сказала она мне вдруг; camarade, m – товарищ; друг), êtes-vous du pays (вы из страны = мы земляки)?

Notre langue, monsieur, est si belle (наш язык, сеньор, такой красивый), que, lorsque nous l’entendons en pays étranger (что, когда мы его слышим в чужом краю), cela nous fait tressaillir (нас охватывает трепет: «это нас заставляет вздрогнуть»; tressaillir – вздрагивать, содрагаться)… Je voudrais avoir un confesseur des provinces, ajouta plus bas le bandit (я бы хотел иметь духовника из Провинций, добавил, понижая голос: «потише», бандит).

Il reprit après un silence (после молчания = помолчав, он продолжил):

– Je suis d’Elizondo, lui répondis-je en basque (я из Элисондо, – ответил я ей по-баскски), fort ému de l’entendre parler ma langue (сильно взволнованный тем, что услышал, как она говорит на моем языке).

– Laguna, ene biholsarena, camarade de mon cœur, me dit-elle tout à coup, êtes-vous du pays?

Notre langue, monsieur, est si belle, que, lorsque nous l’entendons en pays étranger, cela nous fait tressaillir… Je voudrais avoir un confesseur des provinces, ajouta plus bas le bandit.

Il reprit après un silence:

– Je suis d’Elizondo, lui répondis-je en basque, fort ému de l’entendre parler ma langue.

– Moi, je suis d’Etchalar, dit-elle (а я из Этчалара, – сказала она). (C’est un pays à quatre heures de chez nous(это край в четырех часах /пути/ от нас).) J’ai été emmenée par des bohémiens à Séville (в Севилью меня увели цыгане). Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre (я работала на фабрике, чтобы заработать, на что вернуться в Наварру), près de ma pauvre mère qui n’a que moi pour soutien (к моей бедной матери, у которой нет иной поддержки, кроме меня; soutien, m – подпорка; лицо, оказывающее поддержку, опора; soutenir – /прям., перен./ поддерживать) et un petit barratcea avec vingt pommiers à cidre (и небольшого сада с двадцатью яблонями для сидра). Ah! si j’étais au pays, devant la montagne blanche (ах, если бы я оказалась в моем краю, под белой горой)! On m’a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous (меня оскорбили, потому что я не из этой страны жуликов; insulte, f – оскорбление), marchands d’oranges pourries (торговцев гнилыми апельсинами; pourrir – гнить); et ces gueuses se sont mises toutes contre moi (и все эти шлюшки восстали против меня; se mettre – ставиться; занять положение; se mettre contre qn – ополчиться на кого-либо), parce que je leur ai dit que tous leurs jacques de Séville, avec leurs couteaux (потому что я сказала им, что все их «хаке» из Севильи с их ножами), ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila (не испугали бы нашего парня в синем берете и с макилой). Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse (товарищ, друг мой, вы ничего не сделаете для землячки)?

– Moi, je suis d’Etchalar, dit-elle. (C’est un pays à quatre heures de chez nous.) J’ai été emmenée par des bohémiens à Séville. Je travaillais à la manufacture pour gagner de quoi retourner en Navarre, près de ma pauvre mère qui n’a que moi pour soutien et un petit barratcea avec vingt pommiers à cidre. Ah! si j’étais au pays, devant la montagne blanche! On m’a insultée parce que je ne suis pas de ce pays de filous, marchands d’oranges pourries; et ces gueuses se sont mises toutes contre moi, parce que je leur ai dit que tous leurs jacques de Séville, avec leurs couteaux, ne feraient pas peur à un gars de chez nous avec son béret bleu et son maquila. Camarade, mon ami, ne ferez-vous rien pour une payse?

Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti (она врала, сеньор, она всегда врала; mentir; mensonge, f – ложь). Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité (я не знаю, сказала ли эта девушка хоть одно слово правды в своей жизни; vérité, f; vrai – правдивый); mais quand elle parlait, je la croyais (но, когда она говорила, я верил ей): c’était plus fort que moi (это было сильнее меня). Elle estropiait le basque, et je la crus navarraise (она коверкала баскские слова, а я верил, что она наваррка; estropier – калечить; искажать; basque, m – баскский язык); ses yeux seuls et sa bouche et son teint la disaient bohémienne (/уже/ одни ее глаза, и рот, и цвет лица говорили, что она цыганка: «говорили ее цыганкой»). J’étais fou, je ne faisais plus attention à rien (я сошел с ума, я ни на что уже не обращал внимания; fou – помешанный, безумный). Je pensais que, si des Espagnols s’étaient avisés de mal parler du pays (я думал, что, если бы испанцы вздумали плохо отзываться о моей стране = родине; s’aviser – заметить; вздумать), je leur aurais coupé la figure (я бы порезал = искромсал им лицо), tout comme elle venait de faire à sa camarade (совершенно так же, как и она только что сделала со своей подружкой).

Elle mentait, monsieur, elle a toujours menti. Je ne sais pas si dans sa vie cette fille-là a jamais dit un mot de vérité; mais quand elle parlait, je la croyais: c’était plus fort que moi. Elle estropiait le basque, et je la crus navarraise; ses yeux seuls et sa bouche et son teint la disaient bohémienne. J’étais fou, je ne faisais plus attention à rien. Je pensais que, si des Espagnols s’étaient avisés de mal parler du pays, je leur aurais coupé la figure, tout comme elle venait de faire à sa camarade.

Bref, j’étais comme un homme ivre (словом, я был как пьяный); je commençais à dire des bêtises (я начал говорить глупости; bêtise, f; bête – глупый), j’étais tout près d’en faire (я уже был готов их сделать; être près de faire qch – быть готовым сделать что-либо).

– Si je vous poussais, et si vous tombiez, mon pays (если бы я вас толкнула и вы бы упали, земляк), reprit-elle en basque (продолжала она по-баскски), ce ne seraient pas ces deux conscrits de Castillans qui me retiendraient (эти два юных кастильских новобранца не удержали бы меня; conscrit, m – призывник, новобранец; retenir)…

Ma foi, j’oubliai la consigne et tout, et je lui dis (право же, я забыл о приказе и обо всем, и я сказал ей; foi, f – вера; слово, обещание; ma foi – по правде сказать, признаюсь, признаться, право же):

– Eh bien, m’amie, ma payse, essayez (что же, моя милая, землячка моя, пробуйте; m’amie – милая, душенька; моя милая /в обращении/), et que Notre-Dame de la Montagne vous soit en aide (и да поможет вам Пресвятая Богородица горная; Notre-Dame – Богоматерь, Богородица, Дева Мария; montagne, f – гора; aide, f; aider qn – помогать кому-либо)!

Bref, j’étais comme un homme ivre; je commençais à dire des bêtises, j’étais tout près d’en faire.

– Si je vous poussais, et si vous tombiez, mon pays, reprit-elle en basque, ce ne seraient pas ces deux conscrits de Castillans qui me retiendraient…

Ma foi, j’oubliai la consigne et tout, et je lui dis:

– Eh bien, m’amie, ma payse, essayez, et que Notre-Dame de la Montagne vous soit en aide!

En ce moment, nous passions devant une de ces ruelles étroites (в этот момент мы проходили мимо одной из этих узких улочек) comme il y en a tant à Séville (которых так много в Севилье). Tout à coup Carmen se retourne et me lance un coup de poing dans la poitrine (вдруг Кармен оборачивается и ударяет меня кулаком в грудь; lancer – бросать, кидать; poing, m – кулак). Je me laissai tomber exprès à la renverse (я нарочно упал навзничь; renverser – опрокидывать, валить). D’un bond, elle saute par-dessus moi (одним прыжком она перепрыгивает через меня) et se met à courir en nous montrant une paire de jambes (и убегает: «принимается бежать», показывая нам пару ног)!… On dit jambes de Basque (говорят баскские ноги): les siennes en valaient bien d’autres (такие, как у нее, надо было еще поискать: «ее стоили других»; valoir – стоить, представлять ценность)… aussi vite que bien tournées (такие же быстрые, такие же хорошо сложенные = стройные; tourner – вращать; точить на станке; обтачивать). Moi, je me relève aussitôt (я тотчас же поднимаюсь); mais je mets ma lance en travers, de façon à barrer la rue (но я держу пику поперек = наперевес, так что загораживаю улицу), si bien que, de prime abord, les camarades furent arrêtés au moment de la poursuite (так что сразу же товарищи оказались задержаны, собравшись в погоню: «в момент преследования»; poursuivre – преследовать; suivre – следовать).

En ce moment, nous passions devant une de ces ruelles étroites comme il y en a tant à Séville. Tout à coup Carmen se retourne et me lance un coup de poing dans la poitrine. Je me laissai tomber exprès à la renverse. D’un bond, elle saute par-dessus moi et se met à courir en nous montrant une paire de jambes!… On dit jambes de Basque: les siennes en valaient bien d’autres… aussi vite que bien tournées. Moi, je me relève aussitôt; mais je mets ma lance en travers, de façon à barrer la rue, si bien que, de prime abord, les camarades furent arrêtés au moment de la poursuite.

Puis je me mis moi-même à courir, et eux après moi (затем я сам побежал, а они за мной); mais l’atteindre (догнать ее; atteindre – достигать; догнать)! Il n’y avait pas de risque (не тут-то было; risque, m – риск; опасность), avec nos éperons, nos sabres et nos lances (с нашими шпорами, саблями и пиками; éperon, m; sabre, m)! En moins de temps que je n’en mets à vous le dire (за более короткое время, чем я вам это рассказываю), la prisonnière avait disparu (узница исчезла; disparaître). D’ailleurs, toutes les commères du quartier favorisaient sa fuite (впрочем, все кумушки квартала содействовали ее побегу; commère, f – /уст./ кума; /разг./ кумушка, сплетница; favoriser – покровительствовать; содействовать; fuir – убегать, спасаться бегством), et se moquaient de nous, et nous indiquaient la fausse voie (и насмехались над нами, и указывали нам неверный путь; faux – ложный, обманчивый; неверный). Après plusieurs marches et contremarches (после нескольких движений туда-обратно; marche, f – ходьба; движение; contremarche, f – /воен./ движение в обратном направлении), il fallut nous en revenir au corps de garde (нам пришлось вернуться в караульное помещение) sans un reçu du gouverneur de la prison (без расписки коменданта тюрьмы; reçu, m – квитанция, расписка в получении; recevoir – получать, принимать; gouverneur, m – губернатор; правитель; комендант крепости; gouverner – править; заведовать).

Puis je me mis moi-même à courir, et eux après moi; mais l’atteindre! Il n’y avait pas de risque, avec nos éperons, nos sabres et nos lances! En moins de temps que je n’en mets à vous le dire, la prisonnière avait disparu. D’ailleurs, toutes les commères du quartier favorisaient sa fuite, et se moquaient de nous, et nous indiquaient la fausse voie. Après plusieurs marches et contremarches, il fallut nous en revenir au corps de garde sans un reçu du gouverneur de la prison.

Mes hommes, pour n’être pas punis (мои люди, чтобы не быть наказанными = избежать наказания; punir – наказывать), dirent que Carmen m’avait parlé basque (сказали, что Кармен говорила со мной по-баскски); et il ne paraissait pas trop naturel, pour dire la vérité (и, по правде говоря: «чтобы сказать правду», казалось неестественным), qu’un coup de poing d’une tant petite fille (чтобы удар такой маленькой девушки) eût terrassé si facilement un gaillard de ma force (мог так легко сразить парня моей силы = такого сильного парня, как я; terrasser – повалить на землю, сразить; terre, f – земля). Tout cela parut louche ou plutôt clair (все это казалось подозрительным или, вернее, ясным; louche – /уст./ косой; подозрительный). En descendant la garde, je fus dégradé et envoyé pour un mois à la prison (когда я сменился с караула, меня разжаловали и отправили на месяц в тюрьму; descendre la garde – сменяться с караула; dégrader – смещать, отрешать от должности, увольнять; разжаловать). C’était ma première punition depuis que j’étais au service (это было моим первым взысканием с тех пор, как я был на службе; punition, f – наказание; взыскание; punir – наказывать). Adieu les galons de maréchal des logis que je croyais déjà tenir (прощайте вахмистрские галуны, которые, как я думал, были у меня уже в кармане: «которые я думал держать /в руках/»; galon, m; tenir – держать; держать в руках)!

Mes hommes, pour n’être pas punis, dirent que Carmen m’avait parlé basque; et il ne paraissait pas trop naturel, pour dire la vérité, qu’un coup de poing d’une tant petite fille eût terrassé si facilement un gaillard de ma force. Tout cela parut louche ou plutôt clair. En descendant la garde, je fus dégradé et envoyé pour un mois à la prison. C’était ma première punition depuis que j’étais au service. Adieu les galons de maréchal des logis que je croyais déjà tenir!

Mes premiers jours de prison se passèrent fort tristement (мои первые дни в тюрьме прошли очень грустно). En me faisant soldat, je m’étais figuré que je deviendrais tout au moins officier (когда я стал солдатом: «делая себя солдатом», я представлял себе, что стану, по крайней мере, офицером). Longa, Mina, mes compatriotes, sont bien capitaines généraux (Лонга, Мина, мои земляки, уже генерал-капитаны); Chapalangarra, qui est un négro comme Mina, et réfugié comme lui dans votre pays (Чапалангарра, который, как и Мина, негр, и нашел, как и он, приют в вашей стране; se réfugier – убегать, укрываться; refuge, m – убежище, пристанище), Chapalangarra était colonel (Чапалангарра был полковником), et j’ai joué à la paume vingt fois avec son frère (а я двадцать = много раз играл в мяч с его братом), qui était un pauvre diable comme moi (который был бедняком, как и я).

Mes premiers jours de prison se passèrent fort tristement. En me faisant soldat, je m’étais figuré que je deviendrais tout au moins officier. Longa, Mina, mes compatriotes, sont bien capitaines généraux; Chapalangarra, qui est un négro comme Mina, et réfugié comme lui dans votre pays, Chapalangarra était colonel, et j’ai joué à la paume vingt fois avec son frère, qui était un pauvre diable comme moi.

Maintenant je me disais (теперь я говорил себе): « Tout le temps que tu as servi sans punition, c’est du temps perdu (все то время, которое ты служил без взысканий = безупречно, пропало зря: «это потерянное время»); te voilà mal noté (теперь ты на плохом счету; être mal noté – быть на плохом счету; noter – отмечать; записывать в книги): pour te remettre bien dans l’esprit des chefs (чтобы восстановить репутацию в глазах начальников; se remettre – оправиться от болезни; вновь стать на прежнее место; esprit, m – ум), il te faudra travailler dix fois plus que lorsque tu es venu comme conscrit (тебе нужно работать в десять раз больше, чем когда ты пришел новобранцем)! Et pourquoi me suis-je fait punir (и за что я был наказан)? pour une coquine de bohémienne qui s’est moquée de moi (из-за плутовки цыганки, которая посмеялась надо мной), et qui, dans ce moment, est à voler dans quelque coin de la ville (и которая, в данный момент, ворует в каком-либо уголке города). » Pourtant je ne pouvais m’empêcher de penser à elle (однако я не мог не думать о ней; empêcher – мешать; не допускать; не давать /делать что-либо/).

Maintenant je me disais: « Tout le temps que tu as servi sans punition, c’est du temps perdu; te voilà mal noté: pour te remettre bien dans l’esprit des chefs, il te faudra travailler dix fois plus que lorsque tu es venu comme conscrit! Et pourquoi me suis-je fait punir? pour une coquine de bohémienne qui s’est moquée de moi, et qui, dans ce moment, est à voler dans quelque coin de la ville. » Pourtant je ne pouvais m’empêcher de penser à elle.

Le croiriez-vous, monsieur (поверите ли вы, сеньор)? ses bas de soie troués (ее дырявые шелковые чулки; soie, f) qu’elle me faisait voir tout en plein en s’enfuyant (которые она показала мне целиком, убегая; s’enfuir), je les avais toujours devant les yeux (по-прежнему стояли у меня перед глазами). Je regardais par les barreaux de la prison dans la rue (я смотрел сквозь решетку на улицу; barreau, m – прут /решетки/; pl решетка /окна/), et, parmi toutes les femmes qui passaient (и среди всех женщин, которые проходили /мимо/), je n’en voyais pas une seule qui valût cette diable de fille-là (я не видел ни одной, которая бы стоила этой чертовой девчонки; valoir; diable, m – дьявол, черт; diable de – странный; дьявольский). Et puis, malgré moi, je sentais la fleur de cassie qu’elle m’avait jetée (и потом, невольно я ощущал запах цветка кассии, который она кинула в меня; malgré – несмотря на, вопреки; sentir – чувствовать; обонять), et qui, sèche, gardait toujours sa bonne odeur (и который, высохший, хранил по-прежнему свой приятный запах; sec/seche – сухой, высохший; sécher – сушить; bon – хороший; приятный)… S’il y a des sorcières, cette fille-là en était une (если и существуют колдуньи, эта девушка была одной из них)!

Le croiriez-vous, monsieur? ses bas de soie troués qu’elle me faisait voir tout en plein en s’enfuyant, je les avais toujours devant les yeux. Je regardais par les barreaux de la prison dans la rue, et, parmi toutes les femmes qui passaient, je n’en voyais pas une seule qui valût cette diable de fille-là. Et puis, malgré moi, je sentais la fleur de cassie qu’elle m’avait jetée, et qui, sèche, gardait toujours sa bonne odeur… S’il y a des sorcières, cette fille-là en était une!

Un jour, le geôlier entre, et me donne un pain d’Alcalà (однажды входит тюремщик и подает мне алькалинский хлебец).

– Tenez, dit-il, voilà ce que votre cousine vous envoie (держите, – говорит он, – вот что вам послала ваша кузина; envoyer).

Je pris le pain, fort étonné (я взял хлебец, /но/ очень удивился: «весьма удивленный»), car je n’avais pas de cousine à Séville (так как у меня не было кузины в Севилье). C’est peut-être une erreur, pensai-je en regardant le pain (может быть, это ошибка, думал я, глядя на хлебец); mais il était si appétissant, il sentait si bon (но он был таким аппетитным, так вкусно пах), que sans m’inquiéter de savoir d’où il venait et à qui il était destiné (что, не задумываясь о том, откуда он и кому предназначен), je résolus de le manger (я решил его съесть; résoudre – разрешать; принять решение, решить). En voulant le couper mon couteau rencontra quelque chose de dur (когда я хотел его разрезать, мой нож наткнулся на что-то твердое).

Un jour, le geôlier entre, et me donne un pain d’Alcalà.

– Tenez, dit-il, voilà ce que votre cousine vous envoie.

Je pris le pain, fort étonné, car je n’avais pas de cousine à Séville. C’est peut-être une erreur, pensai-je en regardant le pain; mais il était si appétissant, il sentait si bon, que sans m’inquiéter de savoir d’où il venait et à qui il était destiné, je résolus de le manger. En voulant le couper mon couteau rencontra quelque chose de dur.

Je regarde, et je trouve une petite lime anglaise (я смотрю и вижу маленький английский напильник) qu’on avait glissée dans la pâte avant que le pain fût cuit (который положили в тесто, прежде чем хлебец был запечен; glisser – всунуть; cuire – варить; жарить; печь). Il y avait encore dans le pain une pièce d’or de deux piastres (в хлебе еще была золотая монета в два пиастра). Plus de doute alors, c’était un cadeau de Carmen (не было и сомнений, что это подарок Кармен; doute, m; douter – сомневаться). Pour les gens de sa race, la liberté est tout (для людей ее племени свобода значит все = превыше всего; race, f – раса; племя), et ils mettraient le feu à une ville pour s’épargner un jour de prison (и они подожгли бы город, лишь бы и дня не пробыть в тюрьме; s’épargner – избавлять себя /от/; épargner – сберегать, экономить). D’ailleurs, la commère était fine (к тому же кумушка была хитра; fin – тонкий; лукавый, хитрый), et avec ce pain-là on se moquait des geôliers (и этим хлебцем надсмеялись над тюремщиками). En une heure, le plus gros barreau était scié avec la petite lime (за один час можно было спилить самый толстый прут решетки этим маленьким напильником); et avec la pièce de deux piastres, chez le premier fripier (и на монету в два пиастра у первого же старьевщика; fripe, f – /уст./ тряпка; pl поношенная одежда), je changeais ma capote d’uniforme pour un habit bourgeois (я мог поменять мою военную форму на штатскую одежду; capote, f – плащ с капюшоном; солдатская шинель; uniforme, f – форма; военная форма; bourgeois – буржуазный; штатский; habit bourgeois – штатская одежда).

Je regarde, et je trouve une petite lime anglaise qu’on avait glissée dans la pâte avant que le pain fût cuit. Il y avait encore dans le pain une pièce d’or de deux piastres. Plus de doute alors, c’était un cadeau de Carmen. Pour les gens de sa race, la liberté est tout, et ils mettraient le feu à une ville pour s’épargner un jour de prison. D’ailleurs, la commère était fine, et avec ce pain-là on se moquait des geôliers. En une heure, le plus gros barreau était scié avec la petite lime; et avec la pièce de deux piastres, chez le premier fripier, je changeais ma capote d’uniforme pour un habit bourgeois.

Vous pensez bien qu’un homme qui avait déniché maintes fois des aiglons dans nos rochers (вы прекрасно понимаете, что человек, который много раз вынимал = выкрадывал орлят из гнезд в наших скалах; nicher – гнездиться, вить гнездо; niche, f – ниша; собачья конура; nid, m – гнездо; aigle, m – орел; rocher, m) ne s’embarrassait guère de descendre dans la rue, d’une fenêtre haute de moins de trente pieds (не затруднился бы спуститься на улицу из окна с высоты менее тридцати футов; s’embarrasser – обременять себя; смущаться; haut – высокий; hauteur, f – высота; pied, m – нога; фут /32,4 см/); mais je ne voulais pas m’échapper (но я не хотел спасаться бегством; s'échapper – сбежать, убежать). J’avais encore mon honneur de soldat (у меня еще была солдатская = воинская честь), et déserter me semblait un grand crime (и дезертировать казалось мне большим преступлением). Seulement, je fus touché de cette marque de souvenir (но я был тронут таким знаком памяти; souvenir, m – воспоминание). Quand on est en prison, on aime à penser (когда находитесь в тюрьме, приятно думать) qu’on a dehors un ami qui s’intéresse à vous (что снаружи есть друг, который интересуется вами). La pièce d’or m’offusquait un peu (золотая монета смущала меня немного), j’aurais bien voulu la rendre (мне бы очень хотелось вернуть ее); mais où trouver mon créancier (но где найти моего кредитора)? Cela ne me semblait pas facile (это мне казалось нелегким /делом/).

Vous pensez bien qu’un homme qui avait déniché maintes fois des aiglons dans nos rochers ne s’embarrassait guère de descendre dans la rue, d’une fenêtre haute de moins de trente pieds; mais je ne voulais pas m’échapper. J’avais encore mon honneur de soldat, et déserter me semblait un grand crime. Seulement, je fus touché de cette marque de souvenir. Quand on est en prison, on aime à penser qu’on a dehors un ami qui s’intéresse à vous. La pièce d’or m’offusquait un peu, j’aurais bien voulu la rendre; mais où trouver mon créancier? Cela ne me semblait pas facile.

Après la cérémonie de la dégradation, je croyais n’avoir plus rien à souffrir (после церемонии разжалования я думал, что мне не из-за чего больше страдать = все уже выстрадал); mais il me restait encore une humiliation à dévorer (но мне предстояло проглотить еще одно унижение; dévorer – поглощать, пожирать; проглотить): ce fut à ma sortie de prison, lorsqu’on me commanda de service (это было по выходе из тюрьмы, когда меня назначили на дежурство; commander – приказывать; service, m – служба) et qu’on me mit en faction comme un simple soldat (и когда меня поставили на пост часового как простого солдата; faction, f – пребывание часового на посту). Vous ne pouvez vous figurer ce qu’un homme de cœur éprouve en pareille occasion (вы не можете представить, что испытывает человек с самолюбием в таком случае; homme de cœur – добрый человек; мужественный человек; человек с самолюбием). Je crois que j’aurais aimé autant à être fusillé (я думаю, что я бы предпочел быть расстрелянным). Au moins on marche seul, en avant de son peloton (по крайней мере, идешь один, впереди взвода; peloton, m – маленький клубок /ниток/; /воен./ взвод); on se sent quelque chose (чувствуешь себя кем-то = что ты что-то значишь; sentir); le monde vous regarde (люди на тебя смотрят; monde, m – мир, свет; род людской, люди).

Après la cérémonie de la dégradation, je croyais n’avoir plus rien à souffrir; mais il me restait encore une humiliation à dévorer: ce fut à ma sortie de prison, lorsqu’on me commanda de service et qu’on me mit en faction comme un simple soldat. Vous ne pouvez vous figurer ce qu’un homme de cœur éprouve en pareille occasion. Je crois que j’aurais aimé autant à être fusillé. Au moins on marche seul, en avant de son peloton; on se sent quelque chose; le monde vous regarde.

Je fus mis en faction à la porte du colonel (меня поставили часовым у дверей полковника). C’était un jeune homme riche, bon enfant (это был богатый молодой человек, славный малый; enfant, m – дитя, ребенок; bon enfant – добрый малый), qui aimait à s’amuser (который любил повеселиться). Tous les jeunes officiers étaient chez lui (все молодые офицеры собирались у него), et force bourgeois, des femmes aussi, des actrices, à ce qu’on disait (и много штатских, а также женщины, говорили, актрисы). Pour moi, il me semblait que toute la ville s’était donné rendez-vous à sa porte pour me regarder (что касается меня, мне казалось, что весь город съезжается к его дверям: «назначил встречу у его дверей», чтобы посмотреть на меня). Voilà qu’arrive la voiture du colonel avec son valet de chambre sur le siège (вот подъезжает коляска полковника с его камердинером на козлах; valet, m – слуга; лакей; chambre, f – комната; siège, m – сиденье). Qu’est-ce que je vois descendre (и кого же я вижу выходящим; descendre – спускаться; выходить)?… la gitanilla (/моя/ цыганочка). Elle était parée, cette fois, comme une châsse (на этот раз она была разодета в пух и прах; être paré comme une châsse – расфуфыренный, разодетый в пух и прах; châsse, f – /церк./ рака), pomponnée (расфуфыренная), attifée (наряженная), tout or et tout rubans (вся в золоте и лентах; ruban, m).

Je fus mis en faction à la porte du colonel. C’était un jeune homme riche, bon enfant, qui aimait à s’amuser. Tous les jeunes officiers étaient chez lui, et force bourgeois, des femmes aussi, des actrices, à ce qu’on disait. Pour moi, il me semblait que toute la ville s’était donné rendez-vous à sa porte pour me regarder. Voilà qu’arrive la voiture du colonel avec son valet de chambre sur le siège. Qu’est-ce que je vois descendre?… la gitanilla. Elle était parée, cette fois, comme une châsse, pomponnée, attifée, tout or et tout rubans.

Une robe à paillettes (платье с блестками; paillette, f – золотая песчинка; блестка), des souliers bleus à paillettes aussi (синие туфли тоже с блестками), des fleurs et des galons partout (всюду цветы и шитье; galon, m – галун; тесьма). Elle avait un tambour de Basque à la main (в руках у нее был бубен; tambour de basque – бубен; tambour, m – барабан). Avec elle il y avait deux autres bohémiennes, une jeune et une vieille (с нею были еще две цыганки, молодая и старая). Il y a toujours une vieille pour les mener (их всегда сопровождает какая-нибудь старуха: «всегда имеется старуха, чтобы сопровождать их»); puis un vieux avec une guitare, bohémien aussi (затем старик с гитарой, тоже цыган), pour jouer et les faire danser (чтобы играть им для танцев: «и заставлять их плясать»). Vous savez qu’on s’amuse souvent à faire venir des bohémiennes dans les sociétés (вы знаете, что часто приглашают в общество = в дома цыган для веселья; s’amuser – веселиться; faire venir – вызвать; пригласить), afin de leur faire danser la romalis, c’est leur danse (чтобы попросить их сплясать «ромалис», это их танец), et souvent bien autre chose (и нередко многое другое).

Une robe à paillettes, des souliers bleus à paillettes aussi, des fleurs et des galons partout. Elle avait un tambour de Basque à la main. Avec elle il y avait deux autres bohémiennes, une jeune et une vieille. Il y a toujours une vieille pour les mener; puis un vieux avec une guitare, bohémien aussi, pour jouer et les faire danser. Vous savez qu’on s’amuse souvent à faire venir des bohémiennes dans les sociétés, afin de leur faire danser la romalis, c’est leur danse, et souvent bien autre chose.

Carmen me reconnut, et nous échangeâmes un regard (Кармен узнала меня, и мы обменялись взглядом). Je ne sais, mais, en ce moment, j’aurais voulu être à cent pieds sous terre (не знаю, но в этот момент мне бы хотелось провалиться сквозь землю: «быть в ста футах под землей»).

– Agur laguna, dit-elle (Agur laguna, – сказала она). Mon officier, tu montes la garde comme un conscrit (офицер, ты несешь караул как новобранец)!

Et, avant que j’eusse trouvé un mot à répondre (и прежде чем я нашелся что ответить: «нашел слово, чтобы ответить»), elle était dans la maison (она была в доме).

Carmen me reconnut, et nous échangeâmes un regard. Je ne sais, mais, en ce moment, j’aurais voulu être à cent pieds sous terre.

– Agur laguna, dit-elle. Mon officier, tu montes la garde comme un conscrit!

Et, avant que j’eusse trouvé un mot à répondre, elle était dans la maison.

Toute la société était dans le patio (все общество находилось в патио; patio, m – патио /испанский внутренний дворик/), et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait (и, несмотря на толпу, я видел почти все, что происходило), à travers la grille (через калитку). J’entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos (я слышал кастаньеты, бубен, смех, крики «браво»; rire, m); parfois j’apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour (иногда я замечал ее голову, когда она подпрыгивала со своим бубном; apercevoir). Puis j’entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses (потом я слышал офицеров, которые говорили ей всякие глупости: «многие вещи») qui me faisaient monter le rouge à la figure (которые вводили меня в краску; monter – подниматься; rouge, m – красный цвет; figure, f – лицо). Ce qu’elle répondait, je n’en savais rien (что она отвечала, я не знал).

Toute la société était dans le patio, et, malgré la foule, je voyais à peu près tout ce qui se passait, à travers la grille. J’entendais les castagnettes, le tambour, les rires et les bravos; parfois j’apercevais sa tête quand elle sautait avec son tambour. Puis j’entendais encore des officiers qui lui disaient bien des choses qui me faisaient monter le rouge à la figure. Ce qu’elle répondait, je n’en savais rien.

C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon (я думаю, что именно в этот день я полюбил ее всерьез; pour tout de bon – в самом деле; всерьез); car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio (так как три-четыре раза мне приходила мысль войти в патио), et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes (и ударить саблей в живот всех этих хлыщей, которые флиртовали с ней; conter fleurettes – ухаживать, флиртовать; fleurette, f – /уст./ цветочек; комплимент). Mon supplice dura une bonne heure (моя пытка длилась добрый час; supplice, m – казнь; мучение, пытка; supplicier – предать казни; мучить, пытать); puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena (потом цыгане вышли, и коляска увезла их). Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez (Кармен, проходя мимо, посмотрела снова на меня своими глазами, которые вы знаете), et me dit très bas (и сказала мне очень тихо):

– Pays, quand on aime la bonne friture (земляк, когда любят вкусную жареную рыбу; friture, f – жаренье; жареная рыба), on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia (идут поесть ее в Триану, к Лильяс Пастиа).

C’est de ce jour-là, je pense, que je me mis à l’aimer pour tout de bon; car l’idée me vint trois ou quatre fois d’entrer dans le patio, et de donner de mon sabre dans le ventre à tous ces freluquets qui lui contaient fleurettes. Mon supplice dura une bonne heure; puis les bohémiens sortirent, et la voiture les ramena. Carmen, en passant, me regarda encore avec les yeux que vous savez, et me dit très bas:

– Pays, quand on aime la bonne friture, on en va manger à Triana, chez Lillas Pastia.

Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture (легкая как козочка, она запрыгнула в коляску; cabri, m – козленок; s’élancer – бросаться вперед; кинуться), le cocher fouetta ses mules (кучер стегнул своих мулов; fouetter – хлестать, стегать, сечь; подстегивать; fouet, m – хлыст, кнут, бич), et toute la bande joyeuse s’en alla je ne sais où (и вся веселая компания укатила куда-та; bande, f – шайка, банда).

Vous devinez bien qu’en descendant ma garde j’allai à Triana (вы догадываетесь, что, сменившись с караула, я отправился в Триану); mais d’abord je me fis raser et je me brossai (но сначала я побрился и причесался; se raser – бриться /самому/; se faire raser – бриться /у кого-то/) comme pour un jour de parade (как на парад; parade, f). Elle était chez Lillas Pastia (она была у Лильяс Пастиа), un vieux marchand de friture (старого торговца жареной рыбой; frire – жарить /в масле/), bohémien, noir comme un Maure (цыгана, черного как мавр), chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit (к которому многие горожане приходили поесть жареной рыбы), surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers (особенно, я думаю, с тех пор как Кармен поселилась там; prendre ses quartiers – располагаться на постой; обосноваться, снять помещение; quartier, m – четвертая часть; квартал; жилище).

Légère comme un cabri, elle s’élança dans la voiture, le cocher fouetta ses mules, et toute la bande joyeuse s’en alla je ne sais où.

Vous devinez bien qu’en descendant ma garde j’allai à Triana; mais d’abord je me fis raser et je me brossai comme pour un jour de parade. Elle était chez Lillas Pastia, un vieux marchand de friture, bohémien, noir comme un Maure, chez qui beaucoup de bourgeois venaient manger du poisson frit, surtout, je crois, depuis que Carmen y avait pris ses quartiers.

– Lillas, dit-elle sitôt qu’elle me vit (Лильяс, – сказала она, как только увидела меня), je ne fais plus rien de la journée (сегодня я больше ничего не делаю). Demain il fera jour (оставим дело на завтра)! Allons, pays, allons nous promener (идем, земляк, идем гулять).

Elle mit sa mantille devant son nez (она надела свою мантилью у него под носом), et nous voilà dans la rue, sans savoir où j’allais (и вот мы на улице, причем я не знал, куда я иду).

– Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j’ai à vous remercier d’un présent (сеньорита, – сказал я ей, – я думаю, что должен поблагодарить вас за подарок) que vous m’avez envoyé quand j’étais en prison (который вы послали мне, когда я был в тюрьме). J’ai mangé le pain (я съел хлеб); la lime me servira pour affiler ma lance (напильник послужит мне, чтобы точить мою пику), et je la garde comme souvenir de vous (и я храню его как воспоминание о вас); mais l’argent, le voilà (но деньги, вот они).

– Lillas, dit-elle sitôt qu’elle me vit, je ne fais plus rien de la journée. Demain il fera jour! Allons, pays, allons nous promener.

Elle mit sa mantille devant son nez, et nous voilà dans la rue, sans savoir où j’allais.

– Mademoiselle, lui dis-je, je crois que j’ai à vous remercier d’un présent que vous m’avez envoyé quand j’étais en prison. J’ai mangé le pain; la lime me servira pour affiler ma lance, et je la garde comme souvenir de vous; mais l’argent, le voilà.

– Tiens! Il a gardé l’argent (надо же, он сохранил деньги), s’écria-t-elle en éclatant de rire (воскликнула она, хохоча; éclater – лопнуть; разразиться). Au reste, tant mieux (впрочем, тем лучше), car je ne suis guère en fonds (так как у меня совсем нет средств; être en fonds – быть при деньгах, иметь средства); mais qu’importe (но не все ли равно)? chien qui chemine ne meurt pas de famine (собака, которая идет, не умрет от голода; mourir). Allons, mangeons tout (давай проедим все). Tu me régales (ты меня угощаешь).

Nous avions repris le chemin de Séville (мы вернулись в Севилью: «снова отправились в путь на Севилью»). À l’entrée de la rue du Serpent, elle acheta une douzaine d’oranges (в начале Змеиной улицы, она купила дюжину апельсинов; entrée, f – вход, въезд /место/; начало), qu’elle me fit mettre dans mon mouchoir (которые она велела мне положить = завернуть в мой платок).

– Tiens! Il a gardé l’argent, s’écria-t-elle en éclatant de rire. Au reste, tant mieux, car je ne suis guère en fonds; mais qu’importe? chien qui chemine ne meurt pas de famine. Allons, mangeons tout. Tu me régales.

Nous avions repris le chemin de Séville. À l’entrée de la rue du Serpent, elle acheta une douzaine d’oranges, qu’elle me fit mettre dans mon mouchoir.

Un peu plus loin, elle acheta encore un pain, du saucisson, une bouteille de manzanilla (чуть дальше она купила еще булку хлеба, колбасы, бутылку мансанильи; manzanilla, m – мансанилья /испанское вино типа хереса/); puis enfin elle entra chez un confiseur (затем, наконец, она зашла к кондитеру). Là, elle jeta sur le comptoir la pièce d’or que je lui avais rendue (там она бросила на прилавок золотую монету, которую я ей вернул; rendre), une autre encore qu’elle avait dans sa poche (еще одну, которая была у нее в кармане), avec quelque argent blanc (и несколько белых монет = немного серебра); enfin elle me demanda tout ce que j’avais (наконец она попросила у меня все мои наличные деньги: «все, что я имел»). Je n’avais qu’une piécette et quelques cuartos (у меня была лишь песета и несколько куарто), que je lui donnai, fort honteux de n’avoir pas davantage (которые я отдал ей, стыдясь, что у меня не было больше /ничего/; honteux – стыдящийся; honte, f – стыд). Je crus qu’elle voulait emporter toute la boutique (я думал, что она хочет унести с собой = скупить всю лавку). Elle prit tout ce qu’il y avait de plus beau et de plus cher (она взяла все самое красивое и самое дорогое), yemas («йемас»), turon («туррон»), fruits confits (засахаренные фрукты), tant que l’argent dura (на сколько хватило денег: «поскольку длились деньги»).

Un peu plus loin, elle acheta encore un pain, du saucisson, une bouteille de manzanilla; puis enfin elle entra chez un confiseur. Là, elle jeta sur le comptoir la pièce d’or que je lui avais rendue, une autre encore qu’elle avait dans sa poche, avec quelque argent blanc; enfin elle me demanda tout ce que j’avais. Je n’avais qu’une piécette et quelques cuartos, que je lui donnai, fort honteux de n’avoir pas davantage. Je crus qu’elle voulait emporter toute la boutique. Elle prit tout ce qu’il y avait de plus beau et de plus cher, yemas, turon, fruits confits, tant que l’argent dura.

Tout cela, il fallait encore que je le portasse dans des sacs de papier (и все это я должен был снова нести в бумажных пакетах). Vous connaissez peut-être la rue du Candilejo (вы знаете, может быть, улицу Кандилехо), où il y a une tête du roi don Pedro le Justicier (где имеется голова короля дона Педро Справедливого). Elle aurait dû m’inspirer des réflexions (она должна бы была навести меня на размышления; inspirer – вдыхать; внушать; подсказывать; réflexion, f – отражение; размышление; réfléchir – размышлять). Nous nous arrêtâmes dans cette rue-là (на этой улице мы остановились), devant une vieille maison (перед каким-то старым домом). Elle entra dans l’allée, et frappa au rez-de-chaussée (она прошла в /узкий/ проход и постучала в /дверь/ на первом этаже; allée, f – аллея; дорожка; проход). Une bohémienne, vraie servante de Satan, vint nous ouvrir (нам открыла: «пришла открыть» цыганка, настоящая служанка сатаны). Carmen lui dit quelques mots en rommani (Кармен сказала ей несколько слов на роммани). La vieille grogna d’abord (старуха сначала заворчала; grogner – хрюкать; /разг./ брюзжать, ворчать). Pour l’apaiser, Carmen lui donna deux oranges et une poignée de bonbons (чтобы успокоить ее, Кармен дала ей два апельсина и горсть конфет; bonbon, m), et lui permit de goûter au vin (и позволила ей попробовать вино; permettre – позволять, разрешать).

Tout cela, il fallait encore que je le portasse dans des sacs de papier. Vous connaissez peut-être la rue du Candilejo, où il y a une tête du roi don Pedro le Justicier. Elle aurait dû m’inspirer des réflexions. Nous nous arrêtâmes dans cette rue-là, devant une vieille maison. Elle entra dans l’allée, et frappa au rez-de-chaussée. Une bohémienne, vraie servante de Satan, vint nous ouvrir. Carmen lui dit quelques mots en rommani. La vieille grogna d’abord. Pour l’apaiser, Carmen lui donna deux oranges et une poignée de bonbons, et lui permit de goûter au vin.

Puis elle lui mit sa mante sur le dos et la conduisit à la porte (затем она набросила ей на спину = на плечи ее накидку и вывела ее за дверь; mante, f – длинная женская накидка; conduire), qu’elle ferma avec la barre de bois (которую она закрыла на деревянный засов). Dès que nous fûmes seuls (как только мы остались одни), elle se mit à danser et à rire comme une folle, en chantant (она принялась танцевать и смеяться, как сумасшедшая, напевая):

– Tu es mon rom, je suis ta romi (ты мой ром, я твоя роми).

Moi, j’étais au milieu de la chambre (а я стоял посреди комнаты), chargé de toutes ses emplettes (нагруженный всеми ее покупками; emplette, f), ne sachant où les poser (не зная, куда их поместить). Elle jeta tout par terre (она бросила все на пол; terre, f – земля, почва), et me sauta au cou, en me disant (и кинулась мне на шею, говоря мне):

– Je paie mes dettes (я плачу свои долги; dette, f), je paie mes dettes (я плачу свои долги)! c’est la loi des Calés (это закон у калес)!

Puis elle lui mit sa mante sur le dos et la conduisit à la porte, qu’elle ferma avec la barre de bois. Dès que nous fûmes seuls, elle se mit à danser et à rire comme une folle, en chantant:

– Tu es mon rom, je suis ta romi.

Moi, j’étais au milieu de la chambre, chargé de toutes ses emplettes, ne sachant où les poser. Elle jeta tout par terre, et me sauta au cou, en me disant:

– Je paie mes dettes, je paie mes dettes! c’est la loi des Calés!

Ah! monsieur, cette journée-là! cette journée-là (ах, сеньор, этот день, этот день)!… quand j’y pense, j’oublie celle de demain (когда я думаю о нем, я забываю о завтрашнем дне).

Le bandit se tut un instant (бандит на мгновение замолчал; se taire); puis, après avoir rallumé son cigare, il reprit (затем снова закурил сигару и продолжил):

– Nous passâmes ensemble toute la journée (мы провели вместе весь день), mangeant, buvant, et le reste (ели, пили, и все остальное; reste, m – остальное, оставшаяся часть, остаток). Quand elle eut mangé des bonbons comme un enfant de six ans (когда она наелась конфет, как шестилетний ребенок), elle en fourra des poignées dans la jarre d’eau de la vieille (она горстями стала запихивать их в глиняный кувшин с водой старухи). « C’est pour lui faire du sorbet », disait-elle (это чтобы приготовить ей щербет = это будет ей щербет, – говорила она).

Ah! monsieur, cette journée-là! cette journée-là!… quand j’y pense, j’oublie celle de demain.

Le bandit se tut un instant; puis, après avoir rallumé son cigare, il reprit:

– Nous passâmes ensemble toute la journée, mangeant, buvant, et le reste. Quand elle eut mangé des bonbons comme un enfant de six ans, elle en fourra des poignées dans la jarre d’eau de la vieille. « C’est pour lui faire du sorbet », disait-elle.

Elle écrasait des yemas en les lançant contre la muraille (она давила «йемас», бросая их о стену). « C’est pour que les mouches nous laissent tranquilles », disait-elle (это чтобы мухи оставили нас в покое, – говорила она)… Il n’y a pas de tour ni de bêtise qu’elle ne fît (каких только шалостей и глупостей она не делала: «не было ни шалости, ни глупости, которой бы она не сделала»; tour, m – оборот; проделка). Je lui dis que je voudrais la voir danser (я сказал ей, что хотел бы посмотреть, как она танцует); mais où trouver des castagnettes (но где найти кастаньеты)? Aussitôt elle prend la seule assiette de la vieille (тотчас же она берет единственную тарелку старухи), la casse en morceaux (разбивает ее на кусочки; morceau, m), et la voilà qui danse la romalis (и вот она танцует ромалис) en faisant claquer les morceaux de faïence aussi bien (щелкая кусочками фаянса также хорошо; claquer – хлопать; faïence, f) que si elle avait eu des castagnettes d’ébène ou d’ivoire (как если бы у нее были кастаньеты из эбенового дерева или из слоновой кости; ébène, f – эбеновое дерево, черное дерево /материал/; ivoire, m – слоновая кость). On ne s’ennuyait pas auprès de cette fille-là (рядом с этой девушкой не было скучно), je vous en réponds (ручаюсь за это: «отвечаю вам за это»). Le soir vint, et j’entendis les tambours qui battaient la retraite (наступил вечер, и я услышал, как барабаны бьют зарю; venir – приходить; наступать; battre la retraite – бить отбой; retraite, f – возвращение домой; /воен./ вечерняя заря /сигнал/).

Elle écrasait des yemas en les lançant contre la muraille. « C’est pour que les mouches nous laissent tranquilles », disait-elle… Il n’y a pas de tour ni de bêtise qu’elle ne fît. Je lui dis que je voudrais la voir danser; mais où trouver des castagnettes? Aussitôt elle prend la seule assiette de la vieille, la casse en morceaux, et la voilà qui danse la romalis en faisant claquer les morceaux de faïence aussi bien que si elle avait eu des castagnettes d’ébène ou d’ivoire. On ne s’ennuyait pas auprès de cette fille-là, je vous en réponds. Le soir vint, et j’entendis les tambours qui battaient la retraite.

– Il faut que j’aille au quartier pour l’appel, lui dis-je (я должен идти на перекличку в казарму, – сказал я ей; quartier, m – четверть; /воен./ казарма; appel, m – зов; перекличка; appeler – звать, вызывать).

– Au quartier? dit-elle d’un air de mépris (в казарму, сказала она с презрением); tu es donc un nègre, pour te laisser mener à la baguette (ты, стало быть, негр, чтобы позволять помыкать собой; mener à la baguette – держать в повиновении /в ежовых рукавицах, помыкать; mener – вести; baguette, f – палка)? Tu es un vrai canari, d’habit et de caractère (ты настоящая канарейка и по одежде, и по характеру). Va, tu as un cœur de poulet (ступай, у тебя цыплячья душа; cœur de poulet – цыплячья, трусливая душа; poulet, m – цыпленок).

– Il faut que j’aille au quartier pour l’appel, lui dis-je.

– Au quartier? dit-elle d’un air de mépris; tu es donc un nègre, pour te laisser mener à la baguette? Tu es un vrai canari, d’habit et de caractère. Va, tu as un cœur de poulet.

Je restai, résigné d’avance à la salle de police (я остался, смирившись заранее с карцером; salle de police – гауптвахта; карцер; salle, f – зал, комната; палата; police, f – полиция; охрана, поддержание порядка). Le matin, ce fut elle qui parla la première de nous séparer (утром она первая заговорила о расставании; se séparer – разделиться; разойтись, расстаться).

– Écoute, Joseito, dit-elle; t’ai-je payé (слушай, Хосеито, – сказала она, – я с тобой расплатилась: «тебе заплатила»)? D’après notre loi, je ne te devais rien, puisque tu es un payllo (по нашему закону я тебе не была должна ничего, потому что ты паильо); mais tu es un joli garçon, et tu m’as plu (но ты симпатичный парень, и ты мне понравился; plaire). Nous sommes quittes (мы квиты). Bonjour (доброго дня).

Je lui demandai quand je la reverrais (я спросил у нее, когда я ее снова увижу; revoir – увидеть вновь).

Je restai, résigné d’avance à la salle de police. Le matin, ce fut elle qui parla la première de nous séparer.

– Écoute, Joseito, dit-elle; t’ai-je payé? D’après notre loi, je ne te devais rien, puisque tu es un payllo; mais tu es un joli garçon, et tu m’as plu. Nous sommes quittes. Bonjour.

Je lui demandai quand je la reverrais.

– Quand tu seras moins niais, répondit-elle en riant (когда ты будешь не такой глупый, – ответила она, смеясь). Puis, d’un ton plus sérieux (потом более серьезным тоном): Sais-tu, mon fils, que je crois que je t’aime un peu (знаешь ли ты, мой мальчик, что я думаю, что люблю тебя немного; mon fils – мой сын; мой мальчик)? Mais cela ne peut durer (но это не может продолжаться). Chien et loup ne font pas longtemps bon ménage (собака и волк не могут долго ужиться; faire bon ménage – ладить между собой, уживаться; ménage, m – домашнее хозяйство). Peut-être que, si tu prenais la loi d’Égypte (может быть, если бы ты принял цыганский закон: «закон Египта»), j’aimerais à devenir ta romi (я бы захотела стать твоей роми). Mais ce sont des bêtises: cela ne se peut pas (но это глупости, этого не может быть). Bah! mon garçon, crois-moi, tu en es quitte à bon compte (нет, мой мальчик, поверь мне, ты легко отделался; quitte – квит, ничего не должный; освободившийся, отделавшийся; à bon compte – по дешевке, дешево). Tu as rencontré le diable, oui, le diable (ты встретил черта, да черта); il n’est pas toujours noir (он не всегда черный), et il ne t’a pas tordu le cou (и он не свернул тебе шею; tordre – сучить; выкручивать). Je suis habillée de laine, mais je ne suis pas mouton (я одета в шерсть, но я не овечка; mouton, m – баран; laine, f). Va mettre un cierge devant ta majari (поставь свечу своей махари); elle l’a bien gagné (она это заслужила; gagner – зарабатывать; заслуживать). Allons, adieu encore une fois (ну же, прощай еще раз). Ne pense plus à Carmencita (не думай больше о Карменсите), ou elle te ferait épouser une veuve à jambe de bois (или она заставит тебя жениться на вдове с деревянными ногами).

– Quand tu seras moins niais, répondit-elle en riant. Puis, d’un ton plus sérieux: Sais-tu, mon fils, que je crois que je t’aime un peu? Mais cela ne peut durer. Chien et loup ne font pas longtemps bon ménage. Peut-être que, si tu prenais la loi d’Égypte, j’aimerais à devenir ta romi. Mais ce sont des bêtises: cela ne se peut pas. Bah! mon garçon, crois-moi, tu en es quitte à bon compte. Tu as rencontré le diable, oui, le diable; il n’est pas toujours noir, et il ne t’a pas tordu le cou. Je suis habillée de laine, mais je ne suis pas mouton. Va mettre un cierge devant ta majari; elle l’a bien gagné. Allons, adieu encore une fois. Ne pense plus à Carmencita, ou elle te ferait épouser une veuve à jambe de bois.

En parlant ainsi, elle défaisait la barre qui fermait la porte (говоря так, она отодвинула засов, который запирал дверь; défaire – разрушать сделанное; отделять; расстегивать; разматывать; отодвигать), et une fois dans la rue (и, оказавшись на улице: «один раз на улице») elle s’enveloppa dans sa mantille et me tourna les talons (она закуталась в свою мантилью и ушла; tourner les talons – повернуться спиной; уйти, удалиться; talon, m – пята; tourner – поворачивать).

Elle disait vrai (она говорила правду = она была права). J’aurais été sage de ne plus penser à elle (я должен бы был быть благоразумным и не думать более о ней; sage – мудрый; благоразумный); mais, depuis cette journée dans la rue du Candilejo, je ne pouvais plus songer à autre chose (но с того дня на улице Кандилехо я не мог больше думать о чем-то другом). Je me promenais tout le jour, espérant la rencontrer (я гулял каждый день, надеясь встретить ее). J’en demandais des nouvelles à la vieille et au marchand de friture (я спрашивал новости о ней у старухи и торговца жареной рыбой). L’un et l’autre répondaient qu’elle était partie pour Laloro (обо отвечали, что она уехала в Лалоро), c’est ainsi qu’ils appellent le Portugal (так они называют Португалию).

En parlant ainsi, elle défaisait la barre qui fermait la porte, et une fois dans la rue elle s’enveloppa dans sa mantille et me tourna les talons.

Elle disait vrai. J’aurais été sage de ne plus penser à elle; mais, depuis cette journée dans la rue du Candilejo, je ne pouvais plus songer à autre chose. Je me promenais tout le jour, espérant la rencontrer. J’en demandais des nouvelles à la vieille et au marchand de friture. L’un et l’autre répondaient qu’elle était partie pour Laloro, c’est ainsi qu’ils appellent le Portugal.

Probablement c’était d’après les instructions de Carmen qu’ils parlaient de la sorte (вероятно, именно по наказу Кармен говорили они таким образом; instruction, f – просвещение; инструкция; наказ), mais je ne tardai pas à savoir qu’ils mentaient (но я скоро узнал, что они лгут; tarder à faire qch – медлить сделать что-либо; ne pas tarder à faire qch – скоро приняться за что-либо; tard – поздно; mentir – лгать). Quelques semaines après ma journée de la rue du Candilejo (через несколько недель после моего дня на улице Кандилехо), je fus de faction à une des portes de la ville (я стоял на часах у одних из городских ворот; porte, f – дверь; ворота). À peu de distance de cette porte (на небольшом расстоянии от этих ворот; distance, f), il y avait une brèche qui s’était faite dans le mur d’enceinte (образовался пролом в крепостной стене; enceinte, f – ограда; пояс укреплений /вокруг крепости/; mur d’enceinte – крепостная стена; mur, m – стена); on y travaillait pendant le jour (в течение дня его чинили: «там работали»), et la nuit on y mettait un factionnaire pour empêcher les fraudeurs (а ночью к нему ставили часового, чтобы помешать контрабандистам; frauder – мошенничать; провозить контрабанду; fraude, f – мошенничество; контрабанда).

Probablement c’était d’après les instructions de Carmen qu’ils parlaient de la sorte, mais je ne tardai pas à savoir qu’ils mentaient. Quelques semaines après ma journée de la rue du Candilejo, je fus de faction à une des portes de la ville. À peu de distance de cette porte, il y avait une brèche qui s’était faite dans le mur d’enceinte; on y travaillait pendant le jour, et la nuit on y mettait un factionnaire pour empêcher les fraudeurs.

Pendant le jour, je vis Lillas Pastia passer et repasser autour du corps de garde (в течение дня я видел, как Лильяс Пастиа крутился вокруг караульной; passer – переходить; проходить; repasser – снова проходить), et causer avec quelques-uns de mes camarades (и беседовал с некоторыми из моих товарищей); tous le connaissaient, et ses poissons et ses beignets encore mieux (все его знали, а его рыбу и оладьи еще лучше; poisson, m; beignet, m). Il s’approcha de moi (он подошел ко мне) et me demanda si j’avais des nouvelles de Carmen (и спросил, есть ли у меня новости о Кармен).

– Non, lui dis-je (нет, – сказал ему я).

– Eh bien, vous en aurez, compère (что ж, приятель, вы их получите; compère, m – /уст./ кум; /уст./ приятель).

Pendant le jour, je vis Lillas Pastia passer et repasser autour du corps de garde, et causer avec quelques-uns de mes camarades; tous le connaissaient, et ses poissons et ses beignets encore mieux. Il s’approcha de moi et me demanda si j’avais des nouvelles de Carmen.

– Non, lui dis-je.

– Eh bien, vous en aurez, compère.

Il ne se trompait pas (он не ошибся). La nuit, je fus mis de faction à la brèche (в ту ночь меня поставили часовым /охранять/ пролом). Dès que le brigadier se fut retiré (как только ефрейтор удалился), je vis venir à moi une femme (я увидел, как ко мне подходит женщина). Le cœur me disait que c’était Carmen (сердце говорило мне, что это Кармен). Cependant je criai (однако я крикнул):

– Au large (ступай прочь; au large – беги!; вперед!; large, m – ширина, простор)! On ne passe pas (проходу нет: «не проходят»)!

– Ne faites donc pas le méchant (не сердитесь/не волнуйтесь; méchant, m – злой человек; злюка; faire le méchant – грозить; вспылить; протестовать, возмущаться), me dit-elle en se faisant connaître à moi (сказала она, открываясь мне; se faire connaître – представиться, назвать себя; открыться).

– Quoi (как)! vous voilà, Carmen (это вы, Кармен)!

Il ne se trompait pas. La nuit, je fus mis de faction à la brèche. Dès que le brigadier se fut retiré, je vis venir à moi une femme. Le cœur me disait que c’était Carmen. Cependant je criai:

– Au large! On ne passe pas!

– Ne faites donc pas le méchant, me dit-elle en se faisant connaître à moi.

– Quoi! vous voilà, Carmen!

– Oui, mon pays (да, мой земляк). Parlons peu, parlons bien (сразу к делу: «поговорим немного, поговорим хорошо»). Veux-tu gagner un douro (ты хочешь заработать дуро)? Il va venir des gens avec des paquets, laisse-les faire (он будет от людей с пакетами, не мешай им: «оставь/допусти их делать»).

– Non, répondis-je (нет, – ответил я). Je dois les empêcher de passer (я должен помешать им перейти = я не могу позволить им пройти); c’est la consigne (это приказ).

– La consigne! la consigne (приказ, приказ)! Tu n’y pensais pas rue du Candilejo (ты об этом не думал на улице Кандилехо).

– Ah! répondis-je, tout bouleversé par ce seul souvenir (ах, – ответил я, взволнованный лишь от одного воспоминания; bouleverser – перевернуть, разворотить; приводить в расстройство; потрясать, взволновать), cela valait bien la peine d’oublier la consigne (это стоило того, чтобы забыть о приказе); mais je ne veux pas de l’argent des contrebandiers (но я не хочу денег от контрабандистов).

– Oui, mon pays. Parlons peu, parlons bien. Veux-tu gagner un douro? Il va venir des gens avec des paquets, laisse-les faire.

– Non, répondis-je. Je dois les empêcher de passer; c’est la consigne.

– La consigne! la consigne! Tu n’y pensais pas rue du Candilejo.

– Ah! répondis-je, tout bouleversé par ce seul souvenir, cela valait bien la peine d’oublier la consigne; mais je ne veux pas de l’argent des contrebandiers.

– Voyons, si tu ne veux pas d’argent (хорошо, если ты не хочешь денег), veux-tu que nous allions encore dîner chez la vieille Dorothée (хочешь, мы снова пообедаем у старой Доротеи)?

– Non! dis-je à moitié étranglé par l’effort que je faisais (нет, – сказал я, чуть не задыхаясь от усилия; à moitié – наполовину; étranglé – задушенный; сдавленный). Je ne puis pas (я не могу).

– Fort bien (очень хорошо). Si tu es si difficile, je sais à qui m’adresser (если ты такой несговорчивый, я знаю, к кому мне обратиться; difficile – трудный; придирчивый; несговорчивый). J’offrirai à ton officier d’aller chez Dorothée (я предложу твоему офицеру пойти к Доротее). Il a l’air d’un bon enfant (он кажется славным малым; air, m – вид), et il fera mettre en sentinelle un gaillard (и он поставит часовым парня; sentinelle, f – часовой) qui ne verra que ce qu’il faudra voir (который увидит только то, что надо увидеть). Adieu, canari (прощай, канарейка). Je rirai bien le jour où la consigne sera de te pendre (я посмеюсь в тот день, когда будет = выйдет приказ повесить тебя).

– Voyons, si tu ne veux pas d’argent, veux-tu que nous allions encore dîner chez la vieille Dorothée?

– Non! dis-je à moitié étranglé par l’effort que je faisais. Je ne puis pas.

– Fort bien. Si tu es si difficile, je sais à qui m’adresser. J’offrirai à ton officier d’aller chez Dorothée. Il a l’air d’un bon enfant, et il fera mettre en sentinelle un gaillard qui ne verra que ce qu’il faudra voir. Adieu, canari. Je rirai bien le jour où la consigne sera de te pendre.

J’eus la faiblesse de la rappeler (я имел малодушие окликнуть ее; faiblesse, f – слабость; малодушие; faible – слабый; rappeler – снова вызвать; снова позвать), et je promis de laisser passer toute la bohème, s’il le fallait (и я пообещал пропустить всех цыган, если это было нужно; bohème, f – богема), pourvu que j’obtinsse la seule récompense que je désirais (лишь бы я получил одно-единственное вознаграждение, которое я желал; obtenir – добиваться; получать). Elle me jura aussitôt de me tenir parole dès le lendemain (она тотчас поклялась мне сдержать слово завтра же), et courut prévenir ses amis qui étaient à deux pas (и побежала предупредить своих друзей, которые оказались в двух шагах; courir). Il y en avait cinq, dont était Pastia (их было пятеро, в том числе Пастиа), tous bien chargés de marchandises anglaises (все хорошо = основательно нагруженные английскими товарами). Carmen faisait le guet (Кармен караулила; guet, m – наблюдение). Elle devait avertir avec ses castagnettes dès qu’elle apercevrait la ronde (она должна была предупредить своими кастаньетами, как только заметит дозор), mais elle n’en eut pas besoin (но в этом не было потребности = этого не потребовалось). Les fraudeurs firent leur affaire en un instant (контрабандисты сделали свое дело в одно мгновение).

J’eus la faiblesse de la rappeler, et je promis de laisser passer toute la bohème, s’il le fallait, pourvu que j’obtinsse la seule récompense que je désirais. Elle me jura aussitôt de me tenir parole dès le lendemain, et courut prévenir ses amis qui étaient à deux pas. Il y en avait cinq, dont était Pastia, tous bien chargés de marchandises anglaises. Carmen faisait le guet. Elle devait avertir avec ses castagnettes dès qu’elle apercevrait la ronde, mais elle n’en eut pas besoin. Les fraudeurs firent leur affaire en un instant.

Le lendemain, j’allai rue du Candilejo (на следующий день я пошел на улицу Кандилехо). Carmen se fit attendre (Кармен заставила себя ждать), et vint d’assez mauvaise humeur (и пришла в довольно плохом настроении).

– Je n’aime pas les gens qui se font prier, dit-elle (я не люблю людей, которые заставляют упрашивать себя, – сказала она; prier – молить, умолять). Tu m’as rendu un plus grand service la première fois (ты оказал мне большую услугу в первый раз; rendre – отдавать; оказывать /услугу/), sans savoir si tu y gagnerais quelque chose (когда не знал, получишь ли ты за это что-либо; gagner – зарабатывать; приобретать). Hier, tu as marchandé avec moi (вчера ты торговался со мной; marchand, m – торговец). Je ne sais pas pourquoi je suis venue (не знаю, почему я пришла), car je ne t’aime plus (ибо я тебя больше не люблю). Tiens, va-t’en, voilà un douro pour ta peine (слушай, убирайся, вот дуро за твои труды; peine, f – наказание; труд).

Le lendemain, j’allai rue du Candilejo. Carmen se fit attendre, et vint d’assez mauvaise humeur.

– Je n’aime pas les gens qui se font prier, dit-elle. Tu m’as rendu un plus grand service la première fois, sans savoir si tu y gagnerais quelque chose. Hier, tu as marchandé avec moi. Je ne sais pas pourquoi je suis venue, car je ne t’aime plus. Tiens, va-t’en, voilà un douro pour ta peine.

Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête (я чуть не бросил монету ей в лицо: «в голову»), et je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre (и был вынужден сделать неимоверное усилие над собой, чтобы не побить ее; violent – неистовый; чрезмерный). Après nous être disputés pendant une heure (после того, как мы ссорились целый час), je sortis furieux (я вышел в ярости; furieux – яростный, неистовый; разъяренный). J’errai quelque temps par la ville (я бродил какое-то время по городу), marchant deçà et delà comme un fou (бродя по улицам: «там и здесь» как сумасшедший); enfin j’entrai dans une église (в конце концов я зашел в церковь), et, m’étant mis dans le coin le plus obscur (и, сев в самый темный угол), je pleurai à chaudes larmes (я разрыдался; larme, f – слеза; chaud – теплый; горячий). Tout d’un coup j’entends une voix (вдруг я слышу голос):

– Larmes de dragon (драконьи слезы)! j’en veux faire un philtre (я хочу сделать из них приворотное зелье; philtre, m – любовный напиток, приворотное зелье).

Peu s’en fallut que je ne lui jetasse la pièce à la tête, et je fus obligé de faire un effort violent sur moi-même pour ne pas la battre. Après nous être disputés pendant une heure, je sortis furieux. J’errai quelque temps par la ville, marchant deçà et delà comme un fou; enfin j’entrai dans une église, et, m’étant mis dans le coin le plus obscur, je pleurai à chaudes larmes. Tout d’un coup j’entends une voix:

– Larmes de dragon! j’en veux faire un philtre.

Je lève les yeux (я поднимаю глаза), c’était Carmen en face de moi (напротив меня была Кармен).

– Eh bien, mon pays, m’en voulez-vous encore (что ж, мой земляк, вы на меня еще сердитесь; s’en vouloir – сердиться, питать неприязнь)? me dit-elle (сказала она мне). Il faut bien que je vous aime (должно быть, я вас люблю), malgré que j’en aie (несмотря на то, что я обижаюсь; en avoir à/contre/après qn – быть недовольным кем-либо; сердиться на кого-либо; быть в претензии, в обиде на кого-либо), car, depuis que vous m’avez quittée, je ne sais ce que j’ai (так как с тех пор, как вы меня покинули, я не знаю, что со мной). Voyons, maintenant, c’est moi qui te demande si tu veux venir rue du Candilejo (ну вот, теперь я тебя сама спрашиваю, не хочешь ли ты пойти на улицу Кандилехо; voyons! – ну, да ну же!, полноте; ну-ка; как можно!, как же так!).

Je lève les yeux, c’était Carmen en face de moi.

– Eh bien, mon pays, m’en voulez-vous encore? me dit-elle. Il faut bien que je vous aime, malgré que j’en aie, car, depuis que vous m’avez quittée, je ne sais ce que j’ai. Voyons, maintenant, c’est moi qui te demande si tu veux venir rue du Candilejo.

Nous fîmes donc la paix (итак, мы помирились; faire la paix – заключить мир; помириться); mais Carmen avait l’humeur comme est le temps chez nous (но настроение у Кармен было как погода у нас = в наших краях). Jamais l’orage n’est si près dans nos montagnes (в наших горах гроза не бывает никогда так близко; orage, m) que lorsque le soleil est le plus brillant (как когда солнце сияет ярче всего; brillant – блестящий; сияющий; briller – блестеть; блистать; сиять, сверкать). Elle m’avait promis de me revoir une autre fois chez Dorothée (она пообещала мне встретиться со мной еще раз у Доротеи; promettre), et elle ne vint pas (но она не пришла). Et Dorothée me dit de plus belle qu’elle était allée à Laloro pour les affaires d’Égypte (и Доротея снова сказала мне, что она уехала в Лалоро по цыганским делам; de plus belle – снова, с новой силой, еще больше, все больше и больше).

Nous fîmes donc la paix; mais Carmen avait l’humeur comme est le temps chez nous. Jamais l’orage n’est si près dans nos montagnes que lorsque le soleil est le plus brillant. Elle m’avait promis de me revoir une autre fois chez Dorothée, et elle ne vint pas. Et Dorothée me dit de plus belle qu’elle était allée à Laloro pour les affaires d’Égypte.

Sachant déjà par expérience à quoi m’en tenir là-dessus (зная уже по опыту, как к этому относиться; savoir à quoi s’en tenir – знать, что об этом думать, как к этому относиться, какой линии придерживаться), je cherchais Carmen partout où je croyais qu’elle pouvait être (я искал Кармен всюду, где я думал, что она может находиться), et je passais vingt fois par jour dans la rue du Candilejo (и двадцать раз на дню я проходил по улице Кандилехо). Un soir, j’étais chez Dorothée, que j’avais presque apprivoisée (как-то вечером я был у Доротеи, которую я почти приручил) en lui payant de temps à autre quelque verre d’anisette (угощая ее время от времени стаканчиком анисового ликера; payer – платить; verre, m – стекло; стакан; anisette, f), lorsque Carmen entra, suivie d’un jeune homme, lieutenant dans notre régiment (как вдруг вошла Кармен в сопровождении молодого человека, поручика нашего полка; suivre qn – следовать за кем-то, идти за кем-то).

– Va-t’en, vite, me dit-elle en basque (уходи, быстро, – сказала она мне по-баскски).

Je restai stupéfait (я стоял ошеломленный; stupéfaire – ошеломлять), la rage dans le cœur (с яростью в душе; rage, f – бешенство).

– Qu’est-ce que tu fais ici? me dit le lieutenant (что ты здесь делаешь, – сказал мне поручик). Décampe, hors d’ici (проваливай, вон отсюда; décamper – снимать лагерь; /разг./ удирать; убираться вон)!

Sachant déjà par expérience à quoi m’en tenir là-dessus, je cherchais Carmen partout où je croyais qu’elle pouvait être, et je passais vingt fois par jour dans la rue du Candilejo. Un soir, j’étais chez Dorothée, que j’avais presque apprivoisée en lui payant de temps à autre quelque verre d’anisette, lorsque Carmen entra, suivie d’un jeune homme, lieutenant dans notre régiment.

– Va-t’en, vite, me dit-elle en basque.

Je restai stupéfait, la rage dans le cœur.

– Qu’est-ce que tu fais ici? me dit le lieutenant. Décampe, hors d’ici!

Je ne pouvais faire un pas (я не мог ступить шагу); j’étais comme perclus (я был словно парализован; perclus – разбитый параличом; /перен./ парализованный). L’officier, en colère, voyant que je ne me retirais pas (офицер, в гневе, видя, что я не ухожу; colère, f – гнев; приступ гнева), et que je n’avais pas même ôté mon bonnet de police (и что даже не снимаю бескозырки; ôter – снимать, удалять; убирать; bonnet, m – колпак; шапка), me prit au collet et me secoua rudement (схватил меня за воротник = шиворот и тряхнул меня грубо). Je ne sais ce que je lui dis (я не знаю, что я ему сказал). Il tira son épée, et je dégainai (он вынул свою шпагу, а я обнажил /свою/; tirer – тянуть; доставать, вынимать; dégainer – вынимать из ножен, обнажать /шпагу и т. п.); gaine, f – футляр; кобура; ножны). La vieille me saisit le bras (старуха схватила меня за руку; saisir), le lieutenant me donna un coup au front (поручик нанес мне удар в лоб), dont je porte encore la marque (след которого остался до сих пор: «я все еще ношу»). Je reculai (я подался назад), et d’un coup de coude je jetai Dorothée à la renverse (и одним движением локтя я опрокинул Доротею; coup, m – удар; coude, m – локоть; jeter – бросать; renverser – опрокидывать, валить); puis, comme le lieutenant me poursuivait (затем, поскольку поручик преследовал меня; poursuivre), je mis la pointe au corps (я направил острие в тело), et il s’enferra (и он наткнулся на шпагу; enferrer – пронзить шпагой; s’enferrer – наткнуться на шпагу противника; fer, m – железо). Carmen alors éteignit la lampe (тогда Кармен погасила лампу; éteindre), et dit dans sa langue à Dorothée de s’enfuir (и на своем языке велеле Доротее убегать).

Je ne pouvais faire un pas; j’étais comme perclus. L’officier, en colère, voyant que je ne me retirais pas, et que je n’avais pas même ôté mon bonnet de police, me prit au collet et me secoua rudement. Je ne sais ce que je lui dis. Il tira son épée, et je dégainai. La vieille me saisit le bras, le lieutenant me donna un coup au front, dont je porte encore la marque. Je reculai, et d’un coup de coude je jetai Dorothée à la renverse; puis, comme le lieutenant me poursuivait, je mis la pointe au corps, et il s’enferra. Carmen alors éteignit la lampe, et dit dans sa langue à Dorothée de s’enfuir.

Moi-même je me sauvai dans la rue (я сам выбежал на улицу; se sauver – /уст./ спасаться; убегать), et me mis à courir sans savoir où (и побежал, не зная куда = наугад; se mettre – ставить себя;/à faire qch/ приниматься делать что-либо). Il me semblait que quelqu’un me suivait (мне казалось, что кто-то бежит за мной; suivre – следовать). Quand je revins à moi (когда я пришел в себя; revenir – возвращаться: «снова приходить»; revenir à soi – прийти в себя, очнуться), je trouvai que Carmen ne m’avait pas quitté (я обнаружил, что Кармен меня не бросила = со мной).

– Grand niais de canari! me dit-elle (глупая канарейка, – сказала она мне), tu ne sais faire que des bêtises (ты умеешь делать лишь глупости; bêtise, f; bête – глупый). Aussi bien, je te l’ai dit que je te porterais malheur (к тому же я тебе говорила, что принесу тебе несчастье; malheur, m). Allons, il y a remède à tout (ничего, на все есть средство = все можно исправить), quand on a pour bonne amie une Flamande de Rome (когда у тебя в подружках романская фламандка). Commence à mettre ce mouchoir sur ta tête (для начала повяжи голову этим платком; commencer – начинать; mettre – ставить; надевать), et jette-moi ce ceinturon (и брось мне портупею; jeter). Attends-moi dans cette allée (жди меня в этом проходе; attendre). Je reviens dans deux minutes (я вернусь через две минуты).

Moi-même je me sauvai dans la rue, et me mis à courir sans savoir où. Il me semblait que quelqu’un me suivait. Quand je revins à moi, je trouvai que Carmen ne m’avait pas quitté.

– Grand niais de canari! me dit-elle, tu ne sais faire que des bêtises. Aussi bien, je te l’ai dit que je te porterais malheur. Allons, il y a remède à tout, quand on a pour bonne amie une Flamande de Rome. Commence à mettre ce mouchoir sur ta tête, et jette-moi ce ceinturon. Attends-moi dans cette allée. Je reviens dans deux minutes.

Elle disparut, et me rapporta bientôt une mante rayée (она исчезла и принесла мне скоро полосатую накидку; disparaître; mante, f – длинная женская накидка; rayer – чертить полосы; rayure, f – полоса) qu’elle était allée chercher je ne sais où (которую она где-то раздобыла: «за которой она сходила не знаю куда»; aller chercher qch – пойти за чем-либо). Elle me fit quitter mon uniforme (она велела мне снять мою военную форму; quitter – покидать; снимать /одежду/), et mettre la mante par-dessus ma chemise (и надеть накидку поверх рубашки). Ainsi accoutré (нарядившись таким образом; accoutrer – вырядить), avec le mouchoir dont elle avait bandé la plaie que j’avais à la tête (с платком, которым она перевязала рану, которая была у меня на голове), je ressemblais assez à un paysan valencien (я вполне походил на крестьянина из Валенсии), comme il y en a à Séville (из тех, что в Севилье), qui viennent vendre leur orgeat de chufas (которые приезжают продать чуфовый оршад; orgeat, m – оршад, миндальное молоко). Puis elle me mena dans une maison assez semblable à celle de Dorothée (затем она отвела меня в какой-то дом, похожий на дом Доротеи), au fond d’une petite ruelle (в глубине улочки; fond, m – дно; глубина).

Elle disparut, et me rapporta bientôt une mante rayée qu’elle était allée chercher je ne sais où. Elle me fit quitter mon uniforme, et mettre la mante par-dessus ma chemise. Ainsi accoutré, avec le mouchoir dont elle avait bandé la plaie que j’avais à la tête, je ressemblais assez à un paysan valencien, comme il y en a à Séville, qui viennent vendre leur orgeat de chufas. Puis elle me mena dans une maison assez semblable à celle de Dorothée, au fond d’une petite ruelle.

Elle et une autre Bohémienne me lavèrent (она и еще какая-то цыганка омыли мне), me pansèrent mieux que n’eût pu le faire un chirurgien-major (перевязали мне /рану/ лучше, чем бы это мог сделать полковой хирург), me firent boire je ne sais quoi (дали мне что-то выпить; je ne sais quoi – нечто неопределенное, что-то); enfin, on me mit sur un matelas, et je m’endormis (наконец меня положили на тюфяк, и я уснул; matelas, m – матрац, тюфяк; s’endormir).

Probablement ces femmes avaient mêlé dans ma boisson quelques-unes de ces drogues assoupissantes (вероятно, эти женщины подмешали мне в питье какое-то снотворное снадобье; mêler – смешивать; подмешивать; drogue, f – /уст./ лекарственное вещество; /разг./ снадобье; assoupir – усыплять) dont elles ont le secret (секрет которых у них есть), car je ne m’éveillai que fort tard le lendemain (так как я проснулся только очень поздно на следующий день). J’avais un grand mal de tête et un peu de fièvre (у меня была сильная головная боль и легкий жар; fièvre, f – лихорадка, жар).

Elle et une autre Bohémienne me lavèrent, me pansèrent mieux que n’eût pu le faire un chirurgien-major, me firent boire je ne sais quoi; enfin, on me mit sur un matelas, et je m’endormis.

Probablement ces femmes avaient mêlé dans ma boisson quelques-unes de ces drogues assoupissantes dont elles ont le secret, car je ne m’éveillai que fort tard le lendemain. J’avais un grand mal de tête et un peu de fièvre.

Il fallut quelque temps pour que le souvenir me revînt de la terrible scène (понадобилось некоторое время, прежде чем ко мне вернулось воспоминание об ужасной сцене) où j’avais pris part la veille (в которой я участвовал накануне; prendre part à qch – принимать участие в чем-либо; part, f – часть; участие). Après avoir pansé ma plaie (перевязав мою рану), Carmen et son amie, accroupies toutes les deux sur les talons auprès de mon matelas (Кармен и ее подруга, обе, присев на корточки возле моего тюфяка; s’accroupir – приседать, сесть на корточки; talon, m – пята, пятка; s'asseoir sur ses talons – сесть на корточки), échangèrent quelques mots de chipe calli (обменялись несколькими словами на «чипе кальи»), qui paraissaient être une consultation médicale (что было, вероятно, врачебной консультацией: «которые казались…»; paraître). Puis toutes deux m’assurèrent que je serais guéri avant peu (затем обе заверили меня, что я поправлюсь вскоре; guérir – исцелять, вылечивать), mais qu’il fallait quitter Séville le plus tôt possible (но что надо покинуть Севилью как можно раньше); car, si l’on m’y attrapait, j’y serais fusillé sans rémission (так как если меня здесь поймают, я буду непременно расстрелян; sans rémission – беспощадно; непременно, обязательно; rémission, f – прощение; помилование; отмена наказания; remettre – отсрочивать, откладывать; прощать).

Il fallut quelque temps pour que le souvenir me revînt de la terrible scène où j’avais pris part la veille. Après avoir pansé ma plaie, Carmen et son amie, accroupies toutes les deux sur les talons auprès de mon matelas, échangèrent quelques mots de chipe calli, qui paraissaient être une consultation médicale. Puis toutes deux m’assurèrent que je serais guéri avant peu, mais qu’il fallait quitter Séville le plus tôt possible; car, si l’on m’y attrapait, j’y serais fusillé sans rémission.

– Mon garçon, me dit Carmen (мальчик мой, – сказала мне Кармен), il faut que tu fasses quelque chose (тебе надо чем-то заняться; faire – делать; заниматься); maintenant que le roi ne te donne plus ni riz ni merluche (сейчас, когда король тебя больше не кормит ни рисом, ни сушеной треской; riz, m; merluche, f), il faut que tu songes à gagner ta vie (ты должен подумать о том, чтобы зарабатывать на жизнь; songer – мечтать; думать). Tu es trop bête pour voler a pastesas (ты слишком глуп, чтобы воровать a pastesas); mais tu es leste et fort (но ты проворный и сильный): si tu as du cœur, va-t’en à la côte, et fais-toi contrebandiers (если у тебя есть мужество, езжай на берег = к морю и становись контрабандистом; cœur, m – сердце; /уст./ мужество; côte, f – ребро; берег, побережье). Ne t’ai-je pas promis de te faire pendre (я тебе разве не обещала, что из-за меня тебя повесят)? Cela vaut mieux que d’être fusillé (это лучше, чем быть расстрелянным). D’ailleurs, si tu sais t’y prendre (впрочем, если ты знаешь, как взяться за дело), tu vivras comme un prince (ты будешь жить как князь; vivre), aussi longtemps que les miñons et les gardes-côtes ne te mettront pas la main sur le collet (пока миньоны и береговая охрана не поймают тебя; garde-côte, m – корабль береговой охраны; таможенное судно; pl морская пограничная охрана; garder – хранить, охранять; mettre la main sur qn – найти кого-либо; поймать, задержать кого-либо; collet, m – воротник).

– Mon garçon, me dit Carmen, il faut que tu fasses quelque chose; maintenant que le roi ne te donne plus ni riz ni merluche, il faut que tu songes à gagner ta vie. Tu es trop bête pour voler a pastesas; mais tu es leste et fort: si tu as du cœur, va-t’en à la côte, et fais-toi contrebandiers. Ne t’ai-je pas promis de te faire pendre? Cela vaut mieux que d’être fusillé. D’ailleurs, si tu sais t’y prendre, tu vivras comme un prince, aussi longtemps que les miñons et les gardes-côtes ne te mettront pas la main sur le collet.

Ce fut de cette façon engageante (именно таким заманчивым способом; engageant – привлекательный, заманчивый; engager – закладывать; побуждать) que cette diable de fille me montra la nouvelle carrière (эта чертова девчонка показала мне новую карьеру) qu’elle me destinait (которую она мне предназначала), la seule, à vrai dire, qui me restât (честно говоря, единственную, которая мне оставалась), maintenant que j’avais encouru la peine de mort (теперь, когда я навлек на себя смертную казнь; encourir – подвергаться, навлекать на себя; peine, f – наказание, кара; казнь; mort, f – смерть; mourir – умирать). Vous le dirai-je, monsieur (осмелюсь ли я вам это сказать, сеньор)? elle me détermina sans beaucoup de peine (она склонила меня без особого труда; déterminer – определять; склонять; peine, f – наказание; затруднение). Il me semblait que je m’unissais à elle plus intimement (мне казалось, что я соединялся с ней теснее; intimement – интимно, задушевно; тесно) par cette vie de hasards et de rébellion (через эту беспокойную и мятежную жизнь: «жизнь случайностей и бунта»; hasard, m – случай, случайность; rébellion, f; se rebeller – поднимать мятеж, бунтовать). Désormais je crus m’assurer son amour (отныне я думал, что обеспечиваю себе ее любовь; s’assurer de qch – убеждаться в чемлибо; заручиться чем-либо; обеспечить себя чем-либо).

Ce fut de cette façon engageante que cette diable de fille me montra la nouvelle carrière qu’elle me destinait, la seule, à vrai dire, qui me restât, maintenant que j’avais encouru la peine de mort. Vous le dirai-je, monsieur? elle me détermina sans beaucoup de peine. Il me semblait que je m’unissais à elle plus intimement par cette vie de hasards et de rébellion. Désormais je crus m’assurer son amour.

J’avais entendu souvent parler de quelques contrebandiers qui parcouraient l’Andalousie (я слышал часто о некоторых контрабандистах, которые колесили по Андалузии; parcourir – пробегать; объезжать), montés sur un bon cheval (сидя на хорошей лошади; monter – подниматься; садиться), l’espingole au poing, leur maîtresse en croupe (с мушкетоном в кулаке = в руке, с любовницей позади себя; croupe, f – круп, зад /у животных/; prendre qn en croupe – посадить кого-либо сзади себя /на лошадь, на мотоцикл/; maîtresse, f – хозяйка; любовница). Je me voyais déjà trottant par monts et par vaux (я уже видел себя, мчащегося рысью по горам и долам; trotter – идти рысью; mont, m; val, m – долина) avec la gentille Bohémienne derrière moi (с моей хорошенькой цыганкой позади меня; gentil – милый; миловидный, хорошенький). Quand je lui parlais de cela, elle riait à se tenir les côtes (когда я ей говорил об этом, она смеялась до упаду: «держась за ребра»; rire à se tenir les côtes – смеяться до упаду, помирать со смеху; côte, f – ребро), et me disait qu’il n’y a rien de si beau qu’une nuit passée au bivouac (и говорила мне, что нет ничего прекраснее ночи, проведенной на биваке), lorsque chaque rom se retire avec sa romi sous sa petite tente (когда каждый ром удаляется со своей роми в маленький шатер) formée de trois cerceaux, avec une couverture par-dessus (образованный из трех дуг, покрытых покрывалом: «с покрывалом поверх них»; cerceau, m – обруч; дуга /подтентовая/; couverture, f – одеяло; покрывало; couvrir – покрывать).

J’avais entendu souvent parler de quelques contrebandiers qui parcouraient l’Andalousie, montés sur un bon cheval, l’espingole au poing, leur maîtresse en croupe. Je me voyais déjà trottant par monts et par vaux avec la gentille Bohémienne derrière moi. Quand je lui parlais de cela, elle riait à se tenir les côtes, et me disait qu’il n’y a rien de si beau qu’une nuit passée au bivouac, lorsque chaque rom se retire avec sa romi sous sa petite tente formée de trois cerceaux, avec une couverture par-dessus.

– Si je te tiens jamais dans la montagne, lui disais-je (если мы уйдем с тобой в горы: «если я когда-нибудь удержу тебя в горах», – сказал я ей), je serai sûr de toi (я буду уверен в тебе). Là, il n’y a pas de lieutenant pour partager avec moi (там нет поручика, чтобы делить тебя с ним).

– Ah! tu es jaloux, répondait-elle (а, ты ревнуешь, – ответила она; jaloux – завистливый; ревнивый). Tant pis pour toi (тем хуже для тебя). Comment es-tu assez bête pour cela (какой же ты глупый: «как это ты глуп для этого»)? Ne vois-tu pas que je t’aime (ты разве не видишь, что я люблю тебя), puisque je ne t’ai jamais demandé d’argent (потому что я у тебя никогда не просила денег; argent, m)?

Lorsqu’elle parlait ainsi, j’avais envie de l’étrangler (когда она говорила таким образом, я хотел задушить ее; envie, f – зависть; желание).

– Si je te tiens jamais dans la montagne, lui disais-je, je serai sûr de toi. Là, il n’y a pas de lieutenant pour partager avec moi.

– Ah! tu es jaloux, répondait-elle. Tant pis pour toi. Comment es-tu assez bête pour cela? Ne vois-tu pas que je t’aime, puisque je ne t’ai jamais demandé d’argent?

Lorsqu’elle parlait ainsi, j’avais envie de l’étrangler.

Pour le faire court, monsieur, Carmen me procura un habit bourgeois (одним словом: «чтобы сделать это коротким», сеньор, Кармен достала мне штатскую одежду), avec lequel je sortis de Séville sans être reconnu (в которой я покинул Севилью, не будучи узнанным; sortir – выходить). J’allai à Jerez avec une lettre de Pastia pour un marchand d’anisette (я отправился в Херес с письмом от Пастиа к торговцу анисовым ликером) chez qui se réunissaient des contrebandiers (у которого собирались контрабандисты; se réunir). On me présenta à ces gens-là (меня представили этим людям), dont le chef, surnommé le Dancaïre, me reçut dans sa troupe (главарь которых, прозванный Данкайре, принял меня в свою шайку; surnommer – прозвать, дать прозвище; surnom, m – прозвище; nom, m – имя; recevoir – получать; принимать /на службу/; troupe, f – толпа; группа; шайка /воров/). Nous partîmes pour Gaucin (мы отправились в Гаусин), où je retrouvai Carmen, qui m’y avait donné rendez-vous (где я снова встретил Кармен, которая назначила мне там свидание; rendez-vous, m). Dans les expéditions, elle servait d’espion à nos gens (во время экспедиций она служила шпионом нашим людям), et de meilleur il n’y en eut jamais (и лучшего шпиона не могло быть: «никогда не было»).

Pour le faire court, monsieur, Carmen me procura un habit bourgeois, avec lequel je sortis de Séville sans être reconnu. J’allai à Jerez avec une lettre de Pastia pour un marchand d’anisette chez qui se réunissaient des contrebandiers. On me présenta à ces gens-là, dont le chef, surnommé le Dancaïre, me reçut dans sa troupe. Nous partîmes pour Gaucin, où je retrouvai Carmen, qui m’y avait donné rendez-vous. Dans les expéditions, elle servait d’espion à nos gens, et de meilleur il n’y en eut jamais.

Elle revenait de Gibraltar (она возвратилась из Гибралтара), et déjà elle avait arrangé avec un patron de navire (и она уже договорилась с хозяином судна; arranger – приводить в порядок; улаживать /дело/; navire, m – корабль; судно) l’embarquement de marchandises anglaises que nous devions recevoir sur la côte (о погрузке английских товаров, которые мы должны были получить на берегу; embarquement, m – посадка; погрузка; embarquer – грузить). Nous allâmes les attendre près d’Estepona (мы отправились ожидать их возле Эстепоны), puis nous en cachâmes une partie dans la montagne (затем мы спрятали часть их в горах); chargés du reste, nous nous rendîmes à Ronda (нагрузившись остальным, мы отправились в Ронду; se rendre). Carmen nous y avait précédés (Кармен прибыла туда раньше нас; précéder – идти впереди; обгонять, опережать). Ce fut elle encore qui nous indiqua le moment (именно она снова указала нам момент) où nous entrerions en ville (когда можно вступить в город). Ce premier voyage et quelques autres après furent heureux (это первое путешествие и после этого несколько других были удачными; heureux – счастливый; удачный).

Elle revenait de Gibraltar, et déjà elle avait arrangé avec un patron de navire l’embarquement de marchandises anglaises que nous devions recevoir sur la côte. Nous allâmes les attendre près d’Estepona, puis nous en cachâmes une partie dans la montagne; chargés du reste, nous nous rendîmes à Ronda. Carmen nous y avait précédés. Ce fut elle encore qui nous indiqua le moment où nous entrerions en ville. Ce premier voyage et quelques autres après furent heureux.

La vie de contrebandier me plaisait mieux que la vie de soldat (жизнь контрабандиста нравилась мне больше, чем жизнь солдата); je faisais des cadeaux à Carmen (я делал подарки Кармен; cadeau, m). J’avais de l’argent et une maîtresse (у меня были деньги и любовница). Je n’avais guère de remords (у меня вовсе не было угрызений совести; remords, m), car, comme disent les Bohémiens (ибо, как говорят цыгане): Gale avec plaisir ne démange pas (того, кто наслаждается, чесотка не грызет; démanger – зудеть, чесаться). Partout nous étions bien reçus (всюду мы были хорошо приняты = нас радушно встречали; recevoir – получать; принимать), mes compagnons me traitaient bien (мои товарищи хорошо ко мне относились; compagnon, m – спутник; товарищ; traiter – обходиться, обращаться), et même me témoignaient de la considération (и даже проявляли ко мне уважение; témoigner – свидетельствовать; проявлять; considération, f – рассмотрение; уважение). La raison, c’était que j’avais tué un homme (причиной было то, что я убил человека; raison, f – разум; причина), et parmi eux il y en avait qui n’avaient pas un pareil exploit sur la conscience (а среди них не у всех был на совести подобный подвиг).

La vie de contrebandier me plaisait mieux que la vie de soldat; je faisais des cadeaux à Carmen. J’avais de l’argent et une maîtresse. Je n’avais guère de remords, car, comme disent les Bohémiens: Gale avec plaisir ne démange pas. Partout nous étions bien reçus, mes compagnons me traitaient bien, et même me témoignaient de la considération. La raison, c’était que j’avais tué un homme, et parmi eux il y en avait qui n’avaient pas un pareil exploit sur la conscience.

Mais ce qui me touchait davantage dans ma nouvelle vie (но что меня больше трогало в моей новой жизни; toucher – дотрагиваться; трогать /морально/), c’est que je voyais souvent Carmen (это то, что я часто видел Кармен). Elle me montrait plus d’amitié que jamais (она проявляла ко мне больше привязанности, чем когда-либо; montrer – показывать; проявлять; amitié, f – дружба; pl выражение расположения, привязанности); cependant, devant les camarades, elle ne convenait pas qu’elle était ma maîtresse (однако перед товарищами она не показывала, что она моя любовница; convenir – соглашаться; сознаваться); et même, elle m’avait fait jurer par toutes sortes de serments de ne rien leur dire sur son compte (и, более того, она велела дать всяческие клятвы, что я им ничего не скажу на ее счет = про нее; jurer – клясться; serment, m – присяга, клятва; клятвенное, торжественное обещание). J’étais si faible devant cette créature (я был так слаб перед этим созданием; créer – создавать), que j’obéissais à tous ses caprices (что я повиновался всем ее прихотям = исполнял все ее прихоти; obéir; caprice, f – каприз; прихоть). D’ailleurs, c’était la première fois qu’elle se montrait à moi avec la réserve d’une honnête femme (к тому же впервые она проявляла себя = вела себя со мной со сдержанностью порядочной женщины; se montrer – показываться; проявлять себя), et j’étais assez simple pour croire qu’elle s’était véritablement corrigée de ses façons d’autrefois (и я был довольно наивен, чтобы считать, что она на самом деле бросила свои повадки: «исправилась от своих прежних повадок»; simple – простой; простодушный; façon, f – фасон; манера; повадка; autrefois – прежде, когда-то, некогда, давно).

Mais ce qui me touchait davantage dans ma nouvelle vie, c’est que je voyais souvent Carmen. Elle me montrait plus d’amitié que jamais; cependant, devant les camarades, elle ne convenait pas qu’elle était ma maîtresse; et même, elle m’avait fait jurer par toutes sortes de serments de ne rien leur dire sur son compte. J’étais si faible devant cette créature, que j’obéissais à tous ses caprices. D’ailleurs, c’était la première fois qu’elle se montrait à moi avec la réserve d’une honnête femme, et j’étais assez simple pour croire qu’elle s’était véritablement corrigée de ses façons d’autrefois.

Notre troupe, qui se composait de huit ou dix hommes (наша шайка, которая состояла из восьми или десяти человек), ne se réunissait guère que dans les moments décisifs (собиралась только в решающие моменты; se réunir; réunion, f – соединение; собрание; décisif – решительный, окончательный; решающий), et d’ordinaire nous étions dispersés deux à deux, trois à trois (а обычно мы были разбросаны по двое, по трое; dispersé – рассеявшийся, рассеянный, разбросанный), dans les villes et les villages (в городах и деревнях; ville, f; village, m). Chacun de nous prétendait avoir un métier (каждый из нас для вида имел: «утверждал, будто имеет» ремесло; prétendre – требовать по праву; утверждать): celui-ci était chaudronnier, celui-là maquignon (этот был жестянщиком, тот перекупщиком скота; chaudron, m – котел, чан); moi, j’étais marchand de merceries (а я был торговцем галантереи = торговал мелким товаром; mercerie, f), mais je ne me montrais guère dans les gros endroits (но я не показывался в крупных поселениях; endroit, m – место; небольшой населенный пункт), à cause de ma mauvaise affaire de Séville (из-за моего скверного дела в Севилье). Un jour, ou plutôt une nuit, notre rendez-vous était au bas de Véger (в один день, или, точнее, как-то ночью, наша встреча была под Вехером). Le Dancaïre et moi, nous nous y trouvâmes avant les autres (мы с Данкайре встретились там прежде других). Il paraissait fort gai (он казался очень веселым; paraître).

Notre troupe, qui se composait de huit ou dix hommes, ne se réunissait guère que dans les moments décisifs, et d’ordinaire nous étions dispersés deux à deux, trois à trois, dans les villes et les villages. Chacun de nous prétendait avoir un métier: celui-ci était chaudronnier, celui-là maquignon; moi, j’étais marchand de merceries, mais je ne me montrais guère dans les gros endroits, à cause de ma mauvaise affaire de Séville. Un jour, ou plutôt une nuit, notre rendez-vous était au bas de Véger. Le Dancaïre et moi, nous nous y trouvâmes avant les autres. Il paraissait fort gai.

– Nous allons avoir un camarade de plus, me dit-il (у нас будет еще один товарищ, – сказал он мне). Carmen vient de faire un de ses meilleurs tours (Кармен только что проделала одну из своих лучших штук; tour, m – оборот; проделка; tourner – поворачивать/ся/, вращать/ся/). Elle vient de faire échapper son rom qui était au presidio à Tarifa (она только что высвободила своего рома, который был в Тарифской тюрьме; échapper – избегать; убегать).

Je commençais déjà à comprendre le bohémien (я уже начинал понимать цыганский язык), que parlaient presque tous mes camarades (на котором говорили почти все мои товарищи), et ce mot de rom me causa un saisissement (и это слово «ром» вызвало во мне сильное чувство; causer – быть причиной, причинять; вызывать; cause, f – причина; saisissement, m – содрогание; внезапный испуг; сильное чувство; saisir – хватать; овладевать, охватывать /о чувствах, мыслях/).

– Comment! son mari (как, своего мужа)! elle est donc mariée (значит, она замужем)? demandai-je au capitaine (спросил я у главаря; capitaine, m – полководец; вождь, главарь).

– Nous allons avoir un camarade de plus, me dit-il. Carmen vient de faire un de ses meilleurs tours. Elle vient de faire échapper son rom qui était au presidio à Tarifa.

Je commençais déjà à comprendre le bohémien, que parlaient presque tous mes camarades, et ce mot de rom me causa un saisissement.

– Comment! son mari! elle est donc mariée? demandai-je au capitaine.

– Oui, répondit-il, à Garcia le Borgne (да, – ответил он, – за Гарсией Кривым; borgne – одноглазый), un Bohémien aussi futé qu’elle (таким же хитрым, как и она, цыганом). Le pauvre garçon était aux galères (бедный малый был на каторге; galère, f – галера; pl каторга, каторжные работы). Carmen a si bien embobeliné le chirurgien du presidio (Кармен так охмурила тюремного врача; embobeliner – /уст./ закутывать, укутывать; очаровывать; охмурять; chirurgien, m – хирург), qu’elle en a obtenu la liberté de son rom (что добилась освобождения своего рома; obtenir). Ah! cette fille-là vaut son pesant d’or (ах, эта девчонка – золото; valoir son pesant d’or – цениться на вес золота, дорого стоить; valoir – стоить; pesant, m – вес; or, m – золото). Il y a deux ans qu’elle cherche à le faire évader (уже два года она пыталась освободить его; chercher – искать; chercher à faire qch – стараться сделать что-либо). Rien n’a réussi, jusqu’à ce qu’on s’est avisé de changer le major (ничего не удавалось, как надумали поменять военного врача; s’aviser – заметить; вздумать; major, m – /уст./ военный врач, хирург). Avec celui-ci, il paraît qu’elle a trouvé bien vite le moyen de s’entendre (с этим, кажется, она быстро нашла средство договориться; s’entendre – слышать друг друга; договориться /между собой/).

– Oui, répondit-il, à Garcia le Borgne, un Bohémien aussi futé qu’elle. Le pauvre garçon était aux galères. Carmen a si bien embobeliné le chirurgien du presidio, qu’elle en a obtenu la liberté de son rom. Ah! cette fille-là vaut son pesant d’or. Il y a deux ans qu’elle cherche à le faire évader. Rien n’a réussi, jusqu’à ce qu’on s’est avisé de changer le major. Avec celui-ci, il paraît qu’elle a trouvé bien vite le moyen de s’entendre.

Vous vous imaginez le plaisir que me fit cette nouvelle (вы представляете, какое удовольствие доставила мне эта новость). Je vis bientôt Garcia le Borgne (скоро я увидел Гарсию Кривого); c’était bien le plus vilain monstre que la bohême ait nourri (это было самое страшное чудовище, вскормленное цыганами; vilain – гадкий, мерзкий, скверный; противный; nourrir – кормить; воспитывать, формировать): noir de peau et plus noir d’âme (черный кожей и еще более черный душой; âme, f), c’était le plus franc scélérat que j’aie rencontré dans ma vie (это был самый отъявленный злодей, которого я когда-либо встречал в жизни; franc – вольный; отъявленный). Carmen vint avec lui (Кармен пришла с ним); et, lorsqu’elle l’appelait son rom devant moi (и, когда она назвала его своим ромом в моем присутствии), il fallait voir les yeux qu’elle me faisait (надо было видеть, какие она мне строила глаза), et ses grimaces quand Garcia tournait la tête (и ее гримасы, когда Гарсия отворачивал голову; grimace, f). J’étais indigné, et je ne lui parlai pas de la nuit (я был возмущен, и я не разговаривал с ней всю ночь; indignation, f – негодование, возмущение).

Vous vous imaginez le plaisir que me fit cette nouvelle. Je vis bientôt Garcia le Borgne; c’était bien le plus vilain monstre que la bohême ait nourri: noir de peau et plus noir d’âme, c’était le plus franc scélérat que j’aie rencontré dans ma vie. Carmen vint avec lui; et, lorsqu’elle l’appelait son rom devant moi, il fallait voir les yeux qu’elle me faisait, et ses grimaces quand Garcia tournait la tête. J’étais indigné, et je ne lui parlai pas de la nuit.

Le matin nous avions fait nos ballots (утром мы уложили наши тюки), et nous étions déjà en route (и мы были уже в пути), quand nous nous aperçûmes qu’une douzaine de cavaliers étaient à nos trousses (когда мы заметили, что дюжина всадников гонятся за нами по пятам; trousse, f – связка, узел; pl /уст./ короткие штаны, шаровары; être aux trousses de qn – гнаться за кем-либо по пятам). Les fanfarons andalous qui ne parlaient que de tout massacrer (бахвалы-андалузцы, которые лишь на словах были готовы изрубить всех: «говорили лишь о том, что всех изрубят»; fanfaron, m – бахвал, хвастун, хвастунья, фанфарон; massacrer – производить массовое избиение; изрубить) firent aussitôt piteuse mine (струхнули: «выглядели пришибленными»; piteux – жалкий, вызывающий жалость; mine, f – выражение лица). Ce fut un sauve-qui-peut général (все пустились наутек; sauve-qui-peut, m – беспорядочное бегство, паника: «спасайся кто может»; général – общий, всеобщий). Le Dancaïre, Garcia, un joli garçon d’Ecija, qui s’appelait le Remendado, et Carmen ne perdirent pas la tête (Данкайре, Гарсия, симпатичный парень из Эсихи, которого звали Ремендадо, и Кармен не потеряли голову). Le reste avait abandonné les mulets (остальные побросали мулов) et s’était jeté dans les ravins où les chevaux ne pouvaient les suivre (и кинулись по оврагам, где всадники не могли их догнать: «лошади не могли гнаться за ними»; ravin, m; suivre – следовать; идти /за кем-либо/).

Le matin nous avions fait nos ballots, et nous étions déjà en route, quand nous nous aperçûmes qu’une douzaine de cavaliers étaient à nos trousses. Les fanfarons andalous qui ne parlaient que de tout massacrer firent aussitôt piteuse mine. Ce fut un sauve-qui-peut général. Le Dancaïre, Garcia, un joli garçon d’Ecija, qui s’appelait le Remendado, et Carmen ne perdirent pas la tête. Le reste avait abandonné les mulets et s’était jeté dans les ravins où les chevaux ne pouvaient les suivre.

Nous ne pouvions conserver nos bêtes (мы не могли оставить наших животных; conserver – хранить, сохранять), et nous nous hâtâmes de défaire le meilleur de notre butin (и мы поспешили отвязать лучшее из награбленного; défaire – разрушать сделанное; отвязывать; butin, m – добыча; награбленное), et de le charger sur nos épaules (и нагрузить это на наши плечи), puis nous essayâmes de nous sauver au travers des rochers (затем мы попытались убежать через скалы) par les pentes les plus raides (по самым крутым склонам; pente, f; raide – негибкий; крутой). Nous jetions nos ballots devant nous (мы бросили наши тюки вниз: «перед нами»), et nous les suivions de notre mieux en glissant sur les talons (и последовали за ними как могли: «нашим лучшим /способом/», скользя на корточках: «пятках»). Pendant ce temps-là, l’ennemi nous canardait (в это время враги обстреливали нас из укрытия; canarder – обстреливать из укрытия; canard, m – утка); c’était la première fois que j’entendais siffler les balles (впервые я услышал, как свистят пули; balle, f – мяч; пуля), et cela ne me fit pas grand-chose (и это не устрашило меня). Quand on est en vue d’une femme (когда ты на виду у женщины), il n’y a pas de mérite à se moquer de la mort (нет заслуги в том, что ты пренебрегаешь смертью; mérite, m; se moquer – насмехаться; не обращать никакого внимания).

Nous ne pouvions conserver nos bêtes, et nous nous hâtâmes de défaire le meilleur de notre butin, et de le charger sur nos épaules, puis nous essayâmes de nous sauver au travers des rochers par les pentes les plus raides. Nous jetions nos ballots devant nous, et nous les suivions de notre mieux en glissant sur les talons. Pendant ce temps-là, l’ennemi nous canardait; c’était la première fois que j’entendais siffler les balles, et cela ne me fit pas grand-chose. Quand on est en vue d’une femme, il n’y a pas de mérite à se moquer de la mort.

Nous nous échappâmes (мы убежали), excepté le pauvre Remendado (за исключением бедняги Ремендадо), qui reçut un coup de feu dans les reins (который получил выстрел в поясницу = в спину; rein, m – почка; pl поясница). Je jetai mon paquet, et j’essayai de le prendre (я бросил свой сверток и попытался поднять его).

– Imbécile! me cria Garcia (дурак, – крикнул мне Гарсия), qu’avons-nous à faire d’une charogne (что нам делать с падалью)? Achève-le et ne perds pas les bas de coton (прикончи его и не растеряй хлопковые чулки).

– Jette-le (брось его)! jette-le (брось его)! me criait Carmen (кричала мне Кармен).

Nous nous échappâmes, excepté le pauvre Remendado, qui reçut un coup de feu dans les reins. Je jetai mon paquet, et j’essayai de le prendre.

– Imbécile! me cria Garcia, qu’avons-nous à faire d’une charogne? Achève-le et ne perds pas les bas de coton.

– Jette-le! jette-le! me criait Carmen.

La fatigue m’obligea de le déposer un moment à l’abri d’un rocher (усталость вынудила положить его на мгновение в укрытии скалы = из-за усталости я положил его на миг под скалой). Garcia s’avança, et lui lâcha son espingole dans la tête (Гарсия подошел и выпалил из своего мушкетона ему в голову; lâcher – отпускать /туго натянутое/; lâcher une bordée – дать залп).

– Bien habile qui le reconnaîtrait maintenant (никто теперь его не опознает: «очень искусен /тот/, кто узнал бы его теперь»), dit-il en regardant sa figure que douze balles avaient mise en morceaux (сказал он, глядя на его лицо, которое двенадцать пуль разорвало на куски).

La fatigue m’obligea de le déposer un moment à l’abri d’un rocher. Garcia s’avança, et lui lâcha son espingole dans la tête.

– Bien habile qui le reconnaîtrait maintenant, dit-il en regardant sa figure que douze balles avaient mise en morceaux.

Voilà, monsieur, la belle vie que j’ai menée (вот, сеньор, какую прекрасную жизнь я вел). Le soir, nous nous trouvâmes dans un hallier (вечером мы встретились в зарослях кустарника; hallier, m – заросли кустарника; чаща), épuisés de fatigue, n’ayant rien à manger (изможденные от усталости, не имеющие ничего поесть) et ruinés par la perte de nos mulets (и разоренные из-за потери наших мулов). Que fit cet infernal Garcia (что сделал этот адов Гарсия)? Il tira un paquet de cartes de sa poche (он достал колоду карт из своего кармана), et se mit à jouer avec le Dancaïre (и принялся играть с Данкайре) à la lueur d’un feu qu’ils allumèrent (при свете костра, который они развели; feu, m – огонь; костер; allumer – зажигать). Pendant ce temps-là, moi, j’étais couché, regardant les étoiles (в этот момент я лежал, глядя на звезды; étoile, f), pensant au Remendado, et me disant que j’aimerais autant être à sa place (думая о Ремендадо и говоря себе, что я предпочел бы быть на его месте).

Voilà, monsieur, la belle vie que j’ai menée. Le soir, nous nous trouvâmes dans un hallier, épuisés de fatigue, n’ayant rien à manger et ruinés par la perte de nos mulets. Que fit cet infernal Garcia? Il tira un paquet de cartes de sa poche, et se mit à jouer avec le Dancaïre à la lueur d’un feu qu’ils allumèrent. Pendant ce temps-là, moi, j’étais couché, regardant les étoiles, pensant au Remendado, et me disant que j’aimerais autant être à sa place.

Carmen était accroupie près de moi (Кармен сидела на корточках возле меня; s’accroupir – сидеть на корточках), et de temps en temps, elle faisait un roulement de castagnettes en chantonnant (и время от времени она стучала кастаньетами, напевая; roulement, m – качение, движение; стук; rouler – катить). Puis, s’approchant comme pour me parler à l’oreille (затем, приближаясь, словно чтобы сказать мне что-то на ухо; oreille, f), elle m’embrasse, presque malgré moi, deux ou trois fois (она целует меня, почти против моей воли, и так два или три раза).

– Tu es le diable, lui disais-je (ты дьявол, – говорил я ей).

– Oui, me répondait-elle (да, – отвечала мне она).

Carmen était accroupie près de moi, et de temps en temps, elle faisait un roulement de castagnettes en chantonnant. Puis, s’approchant comme pour me parler à l’oreille, elle m’embrasse, presque malgré moi, deux ou trois fois.

– Tu es le diable, lui disais-je.

– Oui, me répondait-elle.

Après quelques heures de repos, elle s’en fut à Gaucin (через несколько часов отдыха она ушла в Гаусин; repos, m; se reposer – отдыхать), et le lendemain matin un petit chevrier vint nous porter du pain (и на следующее утро пастушок принес нам хлеба; chevrier, m – пастух /козьего стада/; chèvre, f – коза). Nous demeurâmes là tout le jour (мы оставались там весь день; demeurer – жить; оставаться на месте), et la nuit nous nous rapprochâmes de Gaucin (а ночью мы подошли к Гаусину). Nous attendions des nouvelles de Carmen (мы ждали вестей от Кармен; nouvelle, f). Rien ne venait (ничего не было: «не приходило»). Au jour, nous voyons un muletier (на рассвете мы увидели погонщика мула; jour, m – день; свет, дневной свет) qui menait une femme bien habillée, avec un parasol (который сопровождал хорошо одетую женщину с зонтиком от солнца), et une petite fille qui paraissait sa domestique (и маленькую девочку, которая, по-видимому, была ее служанкой: «которая казалась ее служанкой»). Garcia nous dit (Гарсиа сказал нам):

– Voilà deux mules et deux femmes que saint Nicolas nous envoie (вот два мула и две женщины, которых святой Николай посылает нам; mule, f – самка лошака, самка мула; envoyer); j’aimerais mieux quatre mules (я бы предпочел четырех мулов); n’importe, j’en fais mon affaire (но все равно я сделаю свое дело)!

Après quelques heures de repos, elle s’en fut à Gaucin, et le lendemain matin un petit chevrier vint nous porter du pain. Nous demeurâmes là tout le jour, et la nuit nous nous rapprochâmes de Gaucin. Nous attendions des nouvelles de Carmen. Rien ne venait. Au jour, nous voyons un muletier qui menait une femme bien habillée, avec un parasol, et une petite fille qui paraissait sa domestique. Garcia nous dit:

– Voilà deux mules et deux femmes que saint Nicolas nous envoie; j’aimerais mieux quatre mules; n’importe, j’en fais mon affaire!

Il prit son espingole et descendit vers le sentier (он взял свой мушкетон и спустился к тропинке; descendre) en se cachant dans les broussailles (прячась в густом кустарнике; broussaille, f – густой кустарник, чаща; колючки). Nous le suivions, le Dancaïre et moi, à peu de distance (мы с Данкайре шли за ним следом, на некотором расстоянии; distance, f). Quand nous fûmes à portée, nous nous montrâmes (когда мы были близко, мы показались = выскочили; portée, f – досягаемость), et nous criâmes au muletier de s’arrêter (и крикнули погонщику мулов остановиться). La femme, en nous voyant, au lieu de s’effrayer (женщина, увидев нас, вместо того, чтобы испугаться), et notre toilette aurait suffi pour cela (а нашего наряда было бы достаточно для этого; suffire), fait un grand éclat de rire (громко смеется; éclat, m – раскат; взрыв; rire, m – смех).

– Ah! les lillipendi qui me prennent pour une erani (ха-ха, лильипенди приняли меня за эраньи; prendre pour qn – принимать за кого-либо)!

Il prit son espingole et descendit vers le sentier en se cachant dans les broussailles. Nous le suivions, le Dancaïre et moi, à peu de distance. Quand nous fûmes à portée, nous nous montrâmes, et nous criâmes au muletier de s’arrêter. La femme, en nous voyant, au lieu de s’effrayer, et notre toilette aurait suffi pour cela, fait un grand éclat de rire.

– Ah! les lillipendi qui me prennent pour une erani!

C’était Carmen, mais si bien déguisée (это была Кармен, но так хорошо = искусно переодетая; se déguiser – переодеваться, рядиться), que je ne l’aurais pas reconnue parlant une autre langue (что я бы не узнал ее, если бы она говорила на другом языке). Elle sauta en bas de sa mule (она спрыгнула со своего мула; en bas – вниз), et causa quelque temps à voix basse avec le Dancaïre et Garcia (и беседовала тихо какое-то время с Данкайре и Гарсией), puis elle me dit (потом она мне сказала):

– Canari, nous nous reverrons avant que tu sois pendu (канарейка, мы еще увидимся, прежде чем ты будешь повешен; pendre). Je vais à Gibraltar pour les affaires d’Égypte (я еду в Гибралтар по цыганским делам). Vous entendrez bientôt parler de moi (вы скоро услышите обо мне).

C’était Carmen, mais si bien déguisée, que je ne l’aurais pas reconnue parlant une autre langue. Elle sauta en bas de sa mule, et causa quelque temps à voix basse avec le Dancaïre et Garcia, puis elle me dit:

– Canari, nous nous reverrons avant que tu sois pendu. Je vais à Gibraltar pour les affaires d’Égypte. Vous entendrez bientôt parler de moi.

Nous nous séparâmes après qu’elle nous eût indiqué un lieu (мы расстались после того, как она указала нам место) où nous pourrions trouver un abri pour quelques jours (где мы могли бы найти укрытие на несколько дней). Cette fille était la providence de notre troupe (эта девчонка была ангелом-хранителем для нашей шайки; providence, f – провидение; /перен./ покровитель, покровительница, добрый гений). Nous reçûmes bientôt quelque argent qu’elle nous envoya (вскоре мы получили немного денег, которые она нам послала), et un avis qui valait mieux pour nous (и сообщение, которое было еще более ценным для нас; avis, m – мнение; предупреждение; сообщение): c’était que tel jour partiraient deux milords anglais (что в такой-то день отправятся /в путь/ два английских милорда), allant de Gibraltar à Grenade par tel chemin (едущие из Гибралтара в Гренаду по такой-то дороге). À bon entendeur salut (имеющий уши да услышит; entendeur, m – /уст./ слышащий, понимающий; entendre – слышать). Ils avaient de belles et bonnes guinées (у них было много звонких гиней; bel et bon – истинный, подлинный, превосходный). Garcia voulait les tuer (Гарсиа хотел убить их), mais le Dancaïre et moi, nous nous y opposâmes (мы с Данкайре воспротивились этому). Nous ne leur prîmes que l’argent et les montres (мы у них забрали только деньги и часы; montre, f), outre les chemises, dont nous avions grand besoin (помимо рубашек, в которых мы сильно нуждались; chemise, f; besoin, m – нужда, потребность).

Nous nous séparâmes après qu’elle nous eût indiqué un lieu où nous pourrions trouver un abri pour quelques jours. Cette fille était la providence de notre troupe. Nous reçûmes bientôt quelque argent qu’elle nous envoya, et un avis qui valait mieux pour nous: c’était que tel jour partiraient deux milords anglais, allant de Gibraltar à Grenade par tel chemin. À bon entendeur salut. Ils avaient de belles et bonnes guinées. Garcia voulait les tuer, mais le Dancaïre et moi, nous nous y opposâmes. Nous ne leur prîmes que l’argent et les montres, outre les chemises, dont nous avions grand besoin.

Monsieur, on devient coquin sans y penser (сеньор, мошенником становишься, не думая об этом = не замечая того; devenir). Une jolie fille vous fait perdre la tête (красивая девушка заставляет вас потерять голову), on se bat pour elle, un malheur arrive (дерешься из-за нее, случается несчастье; se battre – биться; драться; arriver – прибывать; приходить; случаться), il faut vivre à la montagne (нужно жить в горах), et de contrebandier on devient voleur avant d’avoir réfléchi (и из контрабандиста превращаешься в вора, прежде чем /даже успеешь/ подумать). Nous jugeâmes qu’il ne faisait pas bon pour nous dans les environs de Gibraltar (мы сочли, что для нас плохо /оставаться/ в окрестностях Гибралтара; juger – судить; считать) après l’affaire des milords (после дела = истории с милордами), et nous nous enfonçâmes dans la sierra de Ronda (и мы ушли вглубь сьерры де Ронда; s’enfoncer – углубляться; уходить вдаль, вглубь). Vous m’avez parlé de José-Maria (вы мне говорили о Хосе-Марии); tenez, c’est là que j’ai fait connaissance avec lui (так вот, именно там я познакомился с ним). Il mettait sa maîtresse dans ses expéditions (он вовлекал свою любовницу в свои операции; mettre – класть; приставить к какому-либо делу; expédition, f – отправка; экспедиция; операция).

Monsieur, on devient coquin sans y penser. Une jolie fille vous fait perdre la tête, on se bat pour elle, un malheur arrive, il faut vivre à la montagne, et de contrebandier on devient voleur avant d’avoir réfléchi. Nous jugeâmes qu’il ne faisait pas bon pour nous dans les environs de Gibraltar après l’affaire des milords, et nous nous enfonçâmes dans la sierra de Ronda. Vous m’avez parlé de José-Maria; tenez, c’est là que j’ai fait connaissance avec lui. Il mettait sa maîtresse dans ses expéditions.

C’était une jolie fille (это была красивая девушка), sage, modeste, de bonnes manières (тихая, скромная, с хорошими манерами; sage – мудрый; послушный; скромный, сдержанный, целомудренный); jamais un mot malhonnête, et un dévouement (слова грубого никогда /не скажет/, и что за преданность; malhonnête – нечестный; невежливый; dévoué – преданный; посвятивший себя)!… En revanche, il la rendait bien malheureuse (зато он делал ее несчастной; rendre – возвращать; /с прилагательным/ делать, приводить в какой-либо состояние). Il était toujours à courir après toutes les filles (он постоянно бегал = волочился за всеми девицами), il la malmenait (он грубо с ней обращался), puis quelquefois il s’avisait de faire le jaloux (и потом порой он вздумывал становиться ревнивым = принимался ревновать). Une fois, il lui donna un coup de couteau (один раз он нанес ей удар ножом = ударил ее ножом). Eh bien, elle ne l’en aimait que davantage (что ж, она его от этого любила еще больше). Les femmes sont ainsi faites, les Andalouses surtout (женщины так устроены, особенно андалузки). Celle-là était fière de la cicatrice qu’elle avait au bras (эта гордилась своим шрамом, который у нее был на руке), et la montrait comme la plus belle chose du monde (и показывала его словно самую прекрасную вещь = лучшее украшение в мире).

C’était une jolie fille, sage, modeste, de bonnes manières; jamais un mot malhonnête, et un dévouement!… En revanche, il la rendait bien malheureuse. Il était toujours à courir après toutes les filles, il la malmenait, puis quelquefois il s’avisait de faire le jaloux. Une fois, il lui donna un coup de couteau. Eh bien, elle ne l’en aimait que davantage. Les femmes sont ainsi faites, les Andalouses surtout. Celle-là était fière de la cicatrice qu’elle avait au bras, et la montrait comme la plus belle chose du monde.

Et puis José-Maria, par-dessus le marché, était le plus mauvais camarade (и потом, Хосе-Мария, в довершение всего, был самым плохим товарищем)!… Dans une expédition que nous fîmes (в одну из наших экспедиций, которую мы проводили), il s’arrangea si bien que tout le profit lui en demeura (он устроил так, что вся прибыль досталась ему; s’arranger – располагаться в определенном порядке; принимать меры, постараться), à nous les coups et l’embarras de l’affaire (а нам тумаки и хлопоты: «трудности дела»; coup, m – удар; embarras, m – препятствие; затруднение). Mais je reprends mon histoire (но я продолжаю мой рассказ). Nous n’entendions plus parler de Carmen (мы не слышали о Кармен). Le Dancaïre dit (Данкайре сказал):

– Il faut qu’un de nous aille à Gibraltar pour en avoir des nouvelles (нужно, чтобы один из нас съездил в Гибралтар, чтобы иметь новости = разузнать о ней); elle doit avoir préparé quelque affaire (она, должно быть, подготовила какое-то дело). J’irais bien, mais je suis trop connu à Gibraltar (я бы охотно пошел, но меня слишком хорошо знают в Гибралтаре).

Et puis José-Maria, par-dessus le marché, était le plus mauvais camarade!… Dans une expédition que nous fîmes, il s’arrangea si bien que tout le profit lui en demeura, à nous les coups et l’embarras de l’affaire. Mais je reprends mon histoire. Nous n’entendions plus parler de Carmen. Le Dancaïre dit:

– Il faut qu’un de nous aille à Gibraltar pour en avoir des nouvelles; elle doit avoir préparé quelque affaire. J’irais bien, mais je suis trop connu à Gibraltar.

Le Borgne dit (Кривой сказал):

– Moi aussi, on m’y connaît (меня тоже там знают), j’y ai fait tant de farces aux Écrevisses (я там проделал столько шуток с раками; farce, f – /театр./ фарс; шутка, проделка, выходка; écrevisse, f – рак)! et, comme je n’ai qu’un œil, je suis difficile à déguiser (и, поскольку у меня только один глаз, мне трудно переодеться = замаскироваться).

– Il faut donc que j’y aille (стало быть, нужно, чтобы пошел я = придется идти мне)? dis-je à mon tour, enchanté à la seule idée de revoir Carmen (сказал я в свою очередь, довольный от одной только мысли, что увижу снова Кармен; enchanté – очарованный, восхищенный; idée, f – понятие; идея, мысль); voyons, que faut-il faire (итак, что нужно сделать)?

Le Borgne dit:

– Moi aussi, on m’y connaît, j’y ai fait tant de farces aux Écrevisses! et, comme je n’ai qu’un œil, je suis difficile à déguiser.

– Il faut donc que j’y aille? dis-je à mon tour, enchanté à la seule idée de revoir Carmen; voyons, que faut-il faire?

Les autres me dirent (они мне сказали):

– Fais tant que de t’embarquer ou de passer par Saint-Roc (постарайся пробраться через море: «сесть в лодку» или перейти через Сан-Роке), comme tu aimeras le mieux (как тебе больше понравится = покажется удобнее), et, lorsque tu seras à Gibraltar (и, когда ты будешь в Гибралтаре), demande sur le port où demeure une marchande de chocolat qui s’appelle la Rollona (спроси в порту, где живет торговка шоколадом, которую зовут Рольона); quand tu l’auras trouvée, tu sauras d’elle ce qui se passe là-bas (когда ты ее найдешь, ты узнаешь от нее, что там происходит).

Les autres me dirent:

– Fais tant que de t’embarquer ou de passer par Saint-Roc, comme tu aimeras le mieux, et, lorsque tu seras à Gibraltar, demande sur le port où demeure une marchande de chocolat qui s’appelle la Rollona; quand tu l’auras trouvée, tu sauras d’elle ce qui se passe là-bas.

Il fut convenu que nous partirions tous les trois pour la sierra de Gaucin (условились, что мы все трое отправимся в сьерру Гаусин), que j’y laisserais mes deux compagnons (там я покину моих товарищей), et que je me rendrais à Gibraltar comme un marchand de fruits (и что я отправлюсь в Гибралтар под видом торговца фруктами; fruit, m). À Ronda, un homme qui était à nous m’avait procuré un passeport (в Ронде один человек, который был из наших, достал мне паспорт); à Gaucin, on me donna un âne (в Гаусине мне дали осла): je le chargeai d’oranges et de melons, et je me mis en route (я нагрузил его апельсинами и дынями и отправился в путь; orange, f; melon, m).

Il fut convenu que nous partirions tous les trois pour la sierra de Gaucin, que j’y laisserais mes deux compagnons, et que je me rendrais à Gibraltar comme un marchand de fruits. À Ronda, un homme qui était à nous m’avait procuré un passeport; à Gaucin, on me donna un âne: je le chargeai d’oranges et de melons, et je me mis en route.

Arrivé à Gibraltar, je trouvai qu’on y connaissait bien la Rollona (когда я добрался до Гибралтара, я обнаружил, что там прекрасно знают Рольону), mais elle était morte ou elle était allée à finibus terrae (но она умерла или отправилась в finibus terrae), et sa disparition expliquait, à mon avis, comment nous avions perdu notre moyen de correspondre avec Carmen (и ее исчезновение объясняло, на мой взгляд, почему мы потеряли наше средство связи с Кармен; correspondre – соответствовать; сообщаться). Je mis mon âne dans une écurie (я оставил своего осла в конюшне), et, prenant mes oranges, j’allais par la ville comme pour les vendre (и, взяв мои апельсины, я отправился ходить по городу, будто бы для того, чтобы продать их), mais, en effet, pour voir si je ne rencontrerais pas quelque figure de connaissance (но на самом деле, чтобы посмотреть, не встречу ли я какое-нибудь знакомое лицо; figure, f; connaissance, f – познание; знакомство; знакомый). Il y a là force canaille de tous les pays du monde (там было полно жулья из разных стран мира; canaille, f – каналья, негодяй; сброд, жулье), et c’est la tour de Babel (и это была Вавилонская башня), car on ne saurait faire dix pas dans une rue sans entendre parler autant de langues (ибо невозможно было сделать и десяти шагов на улице, не услышав, как говорят на стольких же языках; langue, f).

Arrivé à Gibraltar, je trouvai qu’on y connaissait bien la Rollona, mais elle était morte ou elle était allée à finibus terrae, et sa disparition expliquait, à mon avis, comment nous avions perdu notre moyen de correspondre avec Carmen. Je mis mon âne dans une écurie, et, prenant mes oranges, j’allais par la ville comme pour les vendre, mais, en effet, pour voir si je ne rencontrerais pas quelque figure de connaissance. Il y a là force canaille de tous les pays du monde, et c’est la tour de Babel, car on ne saurait faire dix pas dans une rue sans entendre parler autant de langues.

Je voyais bien des gens d’Égypte, mais je n’osais guère m’y fier (я видел цыган, но не осмеливался довериться им); je les tâtais, et ils me tâtaient (я проверял их, они проверяли меня; tâter – щупать; /перен./ прощупывать, зондировать). Nous devinions bien que nous étions des coquins (мы догадывались, что мы были мошенниками; deviner – угадывать, догадываться), l’important était de savoir si nous étions de la même bande (самое главное было узнать, были ли мы из одной шайки; important, m – главное, суть; important – важный). Après deux jours passés en courses inutiles (после двух дней, проведенных в бесплодных скитаниях: «за бесполезными прогулками»; course, f – бег; хождение /по делам/; прогулка), je n’avais rien appris touchant la Rollona ni Carmen (я не узнал ничего касающегося Рольоны, ни Кармен), et je pensais à retourner auprès de mes camarades après avoir fait quelques emplettes (и /уже/ думал вернуться к моим товарищам, сделав несколько покупок; emplette, f), lorsqu’en me promenant dans une rue, au coucher du soleil (как вдруг, прогуливаясь по какой-то улице, на закате солнца; coucher, m – отход ко сну; заход /солнца/), j’entendis une voix de femme d’une fenêtre qui me dit (я услышал женский голос из окна, который говорил мне): « Marchand d’oranges (торговец апельсинами)

Je voyais bien des gens d’Égypte, mais je n’osais guère m’y fier; je les tâtais, et ils me tâtaient. Nous devinions bien que nous étions des coquins, l’important était de savoir si nous étions de la même bande. Après deux jours passés en courses inutiles, je n’avais rien appris touchant la Rollona ni Carmen, et je pensais à retourner auprès de mes camarades après avoir fait quelques emplettes, lorsqu’en me promenant dans une rue, au coucher du soleil, j’entendis une voix de femme d’une fenêtre qui me dit: « Marchand d’oranges! »

Je lève la tête, et je vois à un balcon Carmen (я поднимаю голову и вижу на балконе Кармен), accoudée avec un officier en rouge (облокотившуюся рядом с офицером в красном; s’accouder – облокачиваться; coude, m – локоть), épaulettes d’or, cheveux frisés (с золотыми эполетами, завитыми волосами; friser – завивать), tournure d’un gros mylord (осанкой важного милорда; tournure, f – оборот дела; сложение; внешность; gros – толстый; значительный, важный). Pour elle, elle était habillée superbement (что касается ее, она была роскошно одета; superbe – великолепный; пышный): un châle sur les épaules (шаль на плечах), un peigne d’or, toute en soie (золотой гребень, все из шелка = вся в шелках); et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtés (и бестия, все такая же, смеялась до упаду; bonne pièce – ценный, подлинный экземпляр; тонкая, хитрая штучка, бестия). L’Anglais, en baragouinant l’espagnol, me cria de monter (англичанин, на ломаном испанском, крикнул мне, чтобы я поднялся; baragouiner – /разг./ плохо говорить /на каком-либо языке/, говорить ломаным языком), que madame voulait des oranges (что мадам хочет апельсинов); et Carmen me dit en basque (а Кармен сказала мне по-баскски):

– Monte, et ne t’étonne de rien (поднимайся и не удивляйся ничему).

Je lève la tête, et je vois à un balcon Carmen, accoudée avec un officier en rouge, épaulettes d’or, cheveux frisés, tournure d’un gros mylord. Pour elle, elle était habillée superbement: un châle sur les épaules, un peigne d’or, toute en soie; et la bonne pièce, toujours la même! riait à se tenir les côtés. L’Anglais, en baragouinant l’espagnol, me cria de monter, que madame voulait des oranges; et Carmen me dit en basque:

– Monte, et ne t’étonne de rien.

Rien, en effet, ne devait m’étonner de sa part (в самом деле, с ней мне не следовало удивляться ничему: «ничто не должно было удивлять меня в ней»; de sa part – с ее стороны). Je ne sais si j’eus plus de joie que de chagrin en la retrouvant (не знаю, испытывал ли я больше радости, чем огорчения, найдя ее; joie, f; chagrin, m). Il y avait à la porte un grand domestique anglais, poudré (у двери стоял высокий слуга = лакей англичанин, в пудре), qui me conduisit dans un salon magnifique (и провел меня в великолепный зал; conduire). Carmen me dit aussitôt en basque (Кармен заговорила со мной тотчас же по-баскски):

– Tu ne sais pas un mot d’espagnol, tu ne me connais pas (ты не знаешь ни слова по-испански, ты меня не знаешь).

Rien, en effet, ne devait m’étonner de sa part. Je ne sais si j’eus plus de joie que de chagrin en la retrouvant. Il y avait à la porte un grand domestique anglais, poudré, qui me conduisit dans un salon magnifique. Carmen me dit aussitôt en basque:

– Tu ne sais pas un mot d’espagnol, tu ne me connais pas.

Puis, se tournant vers l’Anglais (затем, повернувшись к англичанину):

– Je vous le disais bien (я же говорила вам), je l’ai tout de suite reconnu pour un Basque (я сразу же узнала в нем баска); vous allez entendre quelle drôle de langue (вы услышите, что это за забавный язык). Comme il a l’air bête, n’est-ce pas (каким глупым он выглядит, не правда ли)? On dirait un chat surpris dans un garde-manger (можно подумать, что это кот, застигнутый врасплох в кладовой; garde-manger, m – /уст./ кладовая; garder – охранять; хранить /чтоб не испортилось/; manger, m – еда).

– Et toi, lui dis-je dans ma langue (а ты, – сказал я ей на моем языке), tu as l’air d’une effrontée coquine (ты выглядишь как наглая мошенница), et j’ai bien envie de te balafrer la figure devant ton galant (и мне очень хочется исполосовать твое лицо на глазах у твоего ухажера; balafre, f – рубец, шрам /на лице/; galant, m – поклонник, кавалер; ухажер).

Puis, se tournant vers l’Anglais:

– Je vous le disais bien, je l’ai tout de suite reconnu pour un Basque; vous allez entendre quelle drôle de langue. Comme il a l’air bête, n’est-ce pas? On dirait un chat surpris dans un garde-manger.

– Et toi, lui dis-je dans ma langue, tu as l’air d’une effrontée coquine, et j’ai bien envie de te balafrer la figure devant ton galant.

– Mon galant! dit-elle (моего ухажера, – сказала она), tiens, tu as deviné cela tout seul (подумать только, ты об этом сам догадался)? Et tu es jaloux de cet imbécile-là (и ты ревнуешь к этому дураку)? Tu es encore plus niais qu’avant nos soirées de la rue du Candilejo (ты еще глупее, чем был до наших вечеров на улице Кандилехо; soirée, f). Ne vois-tu pas, sot que tu es (ты что, не видишь, дурень ты эдакий), que je fais en ce moment les affaires d’Égypte (что я в данный момент проворачиваю цыганские дела), et de la façon la plus brillante (и самым блестящим образом; brillant – блестящий, сверкающий; блестящий, великолепный)? Cette maison est à moi (этот дом мой), les guinées de l’écrevisse seront à moi (гинеи рака будут мои); je le mène par le bout du nez (я его вожу за кончик носа), je le mènerai d’où il ne sortira jamais (и я приведу его туда, откуда он никогда не выйдет = не выберется).

– Mon galant! dit-elle, tiens, tu as deviné cela tout seul? Et tu es jaloux de cet imbécile-là? Tu es encore plus niais qu’avant nos soirées de la rue du Candilejo. Ne vois-tu pas, sot que tu es, que je fais en ce moment les affaires d’Égypte, et de la façon la plus brillante? Cette maison est à moi, les guinées de l’écrevisse seront à moi; je le mène par le bout du nez, je le mènerai d’où il ne sortira jamais.

– Et moi, lui dis-je (а я, – сказал я ей), si tu fais encore les affaires d’Égypte de cette manière-là (если ты еще будешь заниматься цыганскими делами таким образом), je ferai si bien que tu ne recommenceras plus (я сделаю так, что ты не начнешь больше заново).

– Ah! oui-dà (вот еще)! Es-tu mon rom, pour me commander (ты разве мой ром, чтобы приказывать мне)? Le Borgne le trouve bon (Кривой одобряет это: «считает это хорошим»), qu’as-tu à y voir (а ты здесь при чем)? Ne devrais-tu pas être bien content d’être le seul (не должен ли ты быть очень рад тому, что ты единственный) qui se puisse dire mon minchorrô (кто может назвать себя моим минчорро)?

– Qu’est-ce qu’il dit (что он говорит)? demanda l’Anglais (спросил англичанин).

– Et moi, lui dis-je, si tu fais encore les affaires d’Égypte de cette manière-là, je ferai si bien que tu ne recommenceras plus.

– Ah! oui-dà! Es-tu mon rom, pour me commander? Le Borgne le trouve bon, qu’as-tu à y voir? Ne devrais-tu pas être bien content d’être le seul qui se puisse dire mon minchorrô?

– Qu’est-ce qu’il dit? demanda l’Anglais.

– Il dit qu’il a soif et qu’il boirait bien un coup, répondit Carmen (он говорит, что он хочет пить и что он выпил бы рюмочку, – ответила Кармен; soif, f – жажда; boire un coup – глотнуть чего-либо; выпить по рюмочке; coup, m – удар; глоток).

Et elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction (и она повалилась на диван, смеясь над своим переводом; se renverser – опрокидываться; повалиться).

Monsieur, quand cette fille-là riait (сеньор, когда эта девчонка смеялась), il n’y avait pas moyen de parler raison (невозможно было говорить толком; parler raison – взывать к голосу рассудка; рассуждать здраво, трезво). Tout le monde riait avec elle (все смеялись вместе с ней). Ce grand Anglais se mit à rire aussi (этот высокий англичанин засмеялся тоже), comme un imbécile qu’il était (как дурак, каким он и был), et ordonna qu’on m’apportât à boire (и приказал, чтобы мне принесли выпить; ordonner).

– Il dit qu’il a soif et qu’il boirait bien un coup, répondit Carmen.

Et elle se renversa sur un canapé en éclatant de rire à sa traduction.

Monsieur, quand cette fille-là riait, il n’y avait pas moyen de parler raison. Tout le monde riait avec elle. Ce grand Anglais se mit à rire aussi, comme un imbécile qu’il était, et ordonna qu’on m’apportât à boire.

Pendant que je buvais (пока я пил):

– Vois-tu cette bague qu’il a au doigt (видишь это кольцо, которое у него на пальце)? dit-elle, si tu veux, je te la donnerai (сказала она, – если хочешь, я тебе дам его).

Moi, je répondis (я ответил):

– Je donnerais un doigt pour tenir ton milord dans la montagne (я бы отдал палец, чтобы встретиться с твоим милордом в горах; tenir – держать; схватить), chacun un maquila au poing (и у каждого была в руках: «в кулаке» макила).

– Maquila, qu’est-ce que cela veut dire (макила, что это означает)? demanda l’Anglais (спросил англичанин).

Pendant que je buvais:

– Vois-tu cette bague qu’il a au doigt? dit-elle, si tu veux, je te la donnerai.

Moi, je répondis:

– Je donnerais un doigt pour tenir ton milord dans la montagne, chacun un maquila au poing.

– Maquila, qu’est-ce que cela veut dire? demanda l’Anglais.

– Maquila, dit Carmen riant toujours (макила, – сказала Кармен, по-прежнему смеясь), c’est une orange (это апельсин). N’est-ce pas un bien drôle de mot pour une orange (не правда ли очень забавное слово для апельсина)? Il dit qu’il voudrait vous faire manger du maquila (он говорит, что он хочет угостить вас макилой: «чтобы вы поели макилу»).

– Oui? dit l’Anglais (вот как, – говорит англичанин). Eh bien? apporte encore demain du maquila (что ж, приходи опять завтра с макилой: «принеси еще и завтра макилу»).

Pendant que nous parlions (в то время, как мы разговаривали), le domestique entra et dit que le dîner était prêt (вошел слуга и сказал, что ужин готов). Alors l’Anglais se leva, me donna une piastre (тогда англичанин встал, дал мне пиастр), et offrit son bras à Carmen, comme si elle ne pouvait pas marcher seule (и подал свою руку Кармен, будто она не могла идти сама; offrir – предлагать; давать).

– Maquila, dit Carmen riant toujours, c’est une orange. N’est-ce pas un bien drôle de mot pour une orange? Il dit qu’il voudrait vous faire manger du maquila.

– Oui? dit l’Anglais. Eh bien? apporte encore demain du maquila.

Pendant que nous parlions, le domestique entra et dit que le dîner était prêt. Alors l’Anglais se leva, me donna une piastre, et offrit son bras à Carmen, comme si elle ne pouvait pas marcher seule.

Carmen, riant toujours, me dit (Кармен, все еще смеясь, сказала мне):

– Mon garçon, je ne puis t’inviter à dîner (мальчик мой, я не могу пригласить тебя на ужин); mais demair, dès que tu entendras le tambour pour la parade (/завтра/ как только услышишь, что барабан бьет развод; parade, f – смотр, парад; развод караулов), viens ici avec des oranges (приходи сюда с апельсинами). Tu trouveras une chambre mieux meublée (ты увидишь комнату, обставленную лучше: «ты найдешь лучшую комнату»). Et puis nous parlerons des affaires d’Égypte (а потом мы поговорим о цыганских делах).

Je ne répondis rien (я ничего не ответил), et j’étais dans la rue que l’Anglais me criait (и я был на улице, когда англичанин крикнул мне):

– Apportez demain du maquila (приходите завтра с макилами: «принесите завтра макилы»)! et j’entendais les éclats de rire de Carmen (и я услышал взрыв смеха = хохот Кармен; éclat, m – раскат; взрыв).

Carmen, riant toujours, me dit:

– Mon garçon, je ne puis t’inviter à dîner; mais demair, dès que tu entendras le tambour pour la parade, viens ici avec des oranges. Tu trouveras une chambre mieux meublée. Et puis nous parlerons des affaires d’Égypte.

Je ne répondis rien, et j’étais dans la rue que l’Anglais me criait:

– Apportez demain du maquila! et j’entendais les éclats de rire de Carmen.

Je sortis, ne sachant ce que je ferais (я вышел, не зная, что я буду делать), je ne dormis guère (я почти не спал), le matin je me trouvais si en colère contre cette traîtresse (утром я был в такой ярости = так зол на эту предательницу; traître, m – изменник, предатель) que j’avais résolu de partir de Gibraltar sans la revoir (что я решил уехать из Гибралтара, не повидав ее еще раз); au premier roulement de tambour, tout mon courage m’abandonna (но при первом же ударе барабана все мое мужество покинуло меня): je pris ma natte d’oranges et je courus chez Carmen (я взял свою корзину апельсинов и побежал к Кармен; natte, f – циновка). Sa jalousie était entr’ouverte (ее жалюзи = ставни были приоткрыты; jalousie, f – зависть; ревность; жалюзи), et je vis son grand œil noir qui me guettait (и я увидел ее большие черные глаза, которые высматривали меня; guetter – подстерегать; поджидать). Le domestique poudré m’introduisit aussitôt (пудреный лакей тотчас же провел меня /к ней/; introduire – вводить; впускать). Carmen lui donna une commission (Кармен дала ему какое-то поручение), et dès que nous fûmes seuls (и как только мы остались одни), elle partit d’un de ses éclats de rire de crocodile (она разразилась своим крокодиловым хохотом; partir – отправляться; пуститься), et se jeta à mon cou (и кинулась мне на шею).

Je sortis, ne sachant ce que je ferais, je ne dormis guère, le matin je me trouvais si en colère contre cette traîtresse que j’avais résolu de partir de Gibraltar sans la revoir; au premier roulement de tambour, tout mon courage m’abandonna: je pris ma natte d’oranges et je courus chez Carmen. Sa jalousie était entr’ouverte, et je vis son grand œil noir qui me guettait. Le domestique poudré m’introduisit aussitôt. Carmen lui donna une commission, et dès que nous fûmes seuls, elle partit d’un de ses éclats de rire de crocodile, et se jeta à mon cou.

Je ne l’avais jamais vue si belle (я никогда не видел ее такой красивой). Parée comme une madone (разодетая как мадонна), parfumée (надушенная)… des meubles de soie (шелковая мебель), des rideaux brodés (вышитые занавески)… ah!… et moi fait comme un voleur que j’étais (ах, а я – вор вором: «вор, каким я и был»).

– Minchorrô! disait Carmen (минчорро, – сказала мне Кармен), j’ai envie de tout casser ici, de mettre le feu à la maison et de m’enfuir à la sierra (я хочу поломать все здесь, поджечь дом и убежать в сьерру).

Et c’étaient des tendresses (а потом ласки; tendresse, f – нежность; pl ласки; tendre – нежный)!… et puis des rires (а потом смех)!… et elle dansait, et elle déchirait ses falbalas (и она танцевала и рвала на себе оборки; falbala, m – /уст./ оборка, волан): jamais singe ne fit plus de gambades, de grimaces, de diableries (ни одна обезьяна не могла бы так скакать, кривляться и дурачиться: «не делает больше прыжков, гримас, проделок»; gambade, f; diablerie, f – чертовщина; проделка).

Je ne l’avais jamais vue si belle. Parée comme une madone, parfumée… des meubles de soie, des rideaux brodés… ah!… et moi fait comme un voleur que j’étais.

– Minchorrô! disait Carmen, j’ai envie de tout casser ici, de mettre le feu à la maison et de m’enfuir à la sierra.

Et c’étaient des tendresses!… et puis des rires!… et elle dansait, et elle déchirait ses falbalas: jamais singe ne fit plus de gambades, de grimaces, de diableries.

Quand elle eut repris son sérieux (когда она снова стала серьезной; reprendre son sérieux – перестать смеяться, угомониться; sérieux, m – серьезность):

– Écoute, me dit-elle, il s’agit de l’Égypte (послушай, – сказала она мне, речь идет о цыганском деле). Je veux qu’il me mène à Ronda (я попрошу его съездить со мной в Ронду: «я хочу, чтобы он отвез меня в Ронду»), où j’ai une sœur religieuse (где у меня сестра монахиня)… (Ici nouveaux éclats de rire.) (здесь новый хохот) Nous passons par un endroit que je te ferai dire (мы будем проходить через одно место, о котором я тебе сообщу: «велю сказать»). Vous tombez sur lui (вы нападете на него; tomber – падать; /sur qn/ нападать на кого-либо): pillé rasibus (ограбите дочиста; piller – грабить; rasibus – у самого основания, вплоть; наголо; дочиста)! Le mieux serait de l’escoffier (лучше всего было бы укокошить его), mais, ajouta-t-elle avec un sourire diabolique qu’elle avait dans de certains moments (но, – добавила она с дьявольской улыбкой, которая у нее была = появлялась в некоторые моменты), et ce sourire-là, personne n’avait alors envie de l’imiter (и никто не хотел скопировать такую улыбочку; imiter – имитировать; подражать), – sais-tu ce qu’il faudrait faire (знаешь, что надо бы сделать)? Que le Borgne paraisse le premier (пусть Кривой покажется = выскочит первым; paraître). Tenez-vous un peu en arrière (вы держитесь немного позади); l’écrevisse est brave et adroit (рак храбрый и ловкий): il a de bons pistolets (у него хорошие пистолеты)… Comprends-tu (ты понимаешь)?…

Quand elle eut repris son sérieux:

– Écoute, me dit-elle, il s’agit de l’Égypte. Je veux qu’il me mène à Ronda, où j’ai une sœur religieuse… (Ici nouveaux éclats de rire.) Nous passons par un endroit que je te ferai dire. Vous tombez sur lui: pillé rasibus! Le mieux serait de l’escoffier, mais, ajouta-t-elle avec un sourire diabolique qu’elle avait dans de certains moments, et ce sourire-là, personne n’avait alors envie de l’imiter, – sais-tu ce qu’il faudrait faire? Que le Borgne paraisse le premier. Tenez-vous un peu en arrière; l’écrevisse est brave et adroit: il a de bons pistolets… Comprends-tu?…

Elle s’interrompit par un nouvel éclat de rire qui me fit frissonner (она прервала свою речь новым хохотом, от которого я содрогнулся; frissonner – чувствовать озноб, дрожать; содрогаться; frisson, m – дрожь, озноб; содрогание).

– Non, lui dis-je (нет, – сказал я ей): je hais Garcia, mais c’est mon camarade (я ненавижу Гарсию, но он мой товарищ; haïr). Un jour peut-être je t’en débarrasserai (однажды, может быть, я тебя избавлю от него), mais nous réglerons nos comptes à la façon de mon pays (но мы сведем счеты по обычаям моей страны; régler – линовать; согласовывать, улаживать; compte, m). Je ne suis Égyptien que par hasard (я цыган лишь случайно); et pour certaines choses, je serai toujours franc Navarrais, comme dit le proverbe (и в некоторых вещах я всегда буду честным наваррцем, как говорит пословица).

Elle s’interrompit par un nouvel éclat de rire qui me fit frissonner.

– Non, lui dis-je: je hais Garcia, mais c’est mon camarade. Un jour peut-être je t’en débarrasserai, mais nous réglerons nos comptes à la façon de mon pays. Je ne suis Égyptien que par hasard; et pour certaines choses, je serai toujours franc Navarrais, comme dit le proverbe.

Elle reprit (она продолжала):

– Tu es une bête, un niais, un vrai payllo (ты дурак, глупец, настоящий паильо). Tu es comme le nain qui se croit grand quand il a pu cracher loin (ты как карлик, который считает себя высоким, когда он сможет плюнуть далеко). Tu ne m’aimes pas, va-t’en (ты меня не любишь, ступай прочь).

Quand elle me disait: Va-t’en (когда она говорила мне «убирайся»), je ne pouvais m’en aller (я не мог уйти). Je promis de partir, de retourner auprès de mes camarades et d’attendre l’Anglais (я пообещал уйти, вернуться к моим товарищам и ждать англичанина); de son côté, elle me promit d’être malade jusqu’au moment de quitter Gibraltar pour Ronda (со своей стороны, она пообещала мне, что скажется нездоровой: «будет болеть» до того момента, как отправится из Гибралтара в Ронду; quitter – покидать).

Elle reprit:

– Tu es une bête, un niais, un vrai payllo. Tu es comme le nain qui se croit grand quand il a pu cracher loin. Tu ne m’aimes pas, va-t’en.

Quand elle me disait: Va-t’en, je ne pouvais m’en aller. Je promis de partir, de retourner auprès de mes camarades et d’attendre l’Anglais; de son côté, elle me promit d’être malade jusqu’au moment de quitter Gibraltar pour Ronda.

Je demeurai encore deux jours à Gibraltar (я пробыл еще два дня в Гибралтаре; demeurer – жить; оставаться; пребывать). Elle eut l’audace de me venir voir déguisée dans mon auberge (она имела смелость прийти ко мне в гостиницу переодетой; audace, f). Je partis (я уехал); moi aussi j’avais mon projet (у меня тоже был план; projet, m – проект, замысел; план). Je retournai à notre rendez-vous (я вернулся в условленное место: «в место нашей встречи»), sachant le lieu et l’heure où l’Anglais et Carmen devaient passer (зная где и когда англичанин и Кармен должны будут проезжать; lieu, m – место; heure, f – час; время). Je trouvai le Dancaïre et Garcia qui m’attendaient (я нашел Данкайре и Гарсию, которые ждали меня). Nous passâmes la nuit dans un bois (мы провели ночь в лесу) auprès d’un feu de pommes de pin qui flambait à merveille (возле костра из сосновых шишек, который великолепно горел; pomme, f – яблоко; pin, m – сосна). Je proposai à Garcia de jouer aux cartes (я предложил Гарсии сыграть в карты). Il accepta (он согласился).

Je demeurai encore deux jours à Gibraltar. Elle eut l’audace de me venir voir déguisée dans mon auberge. Je partis; moi aussi j’avais mon projet. Je retournai à notre rendez-vous, sachant le lieu et l’heure où l’Anglais et Carmen devaient passer. Je trouvai le Dancaïre et Garcia qui m’attendaient. Nous passâmes la nuit dans un bois auprès d’un feu de pommes de pin qui flambait à merveille. Je proposai à Garcia de jouer aux cartes. Il accepta.

À la seconde partie je lui dis qu’il trichait (/когда мы играли/ вторую партию я сказал ему, что он жульничает; tricher – обманывать; жульничать /в игре/); il se mit à rire (он расхохотался: «принялся смеяться»). Je lui jetai les cartes à la figure (я бросил карты ему в лицо). Il voulut prendre son espingole (он хотел схватить свой мушкетон); je mis le pied dessus, et je lui dis (я наступил на него ногой: «поставил ногу поверх» и сказал ему): « On dit que tu sais jouer du couteau comme le meilleur jacques de Malaga (говорят, что ты умеешь играть = владеешь ножом, как лучший парень из Малаги; jacques, m – мужик), veux-tu t’essayer avec moi (хочешь попробовать со мной)? » Le Dancaïre voulut nous séparer (Данкайре хотел разнять нас; séparer – отделять; разлучать; разнимать). J’avais donné deux ou trois coups de poing à Garcia (я нанес два или три удара кулаком Гарсии). La colère l’avait rendu brave (гнев сделал его смелым); il avait tiré son couteau, moi le mien (он вынул свой нож, я – свой).

À la seconde partie je lui dis qu’il trichait; il se mit à rire. Je lui jetai les cartes à la figure. Il voulut prendre son espingole; je mis le pied dessus, et je lui dis: « On dit que tu sais jouer du couteau comme le meilleur jacques de Malaga, veux-tu t’essayer avec moi? » Le Dancaïre voulut nous séparer. J’avais donné deux ou trois coups de poing à Garcia. La colère l’avait rendu brave; il avait tiré son couteau, moi le mien.

Nous dîmes tous deux au Dancaïre de nous laisser place libre et franc jeu (мы оба сказали Данкайре оставить нам свободное место для честной игры). Il vit qu’il n’y avait pas moyen de nous arrêter, et il s’écarta (он увидел, что нет средства остановить нас, и отошел в сторону; s’écarter – расходиться; отходить в сторону). Garcia était déjà ployé en deux comme un chat prêt à s’élancer contre une souris (Гарсия уже согнулся пополам, как кот, готовый броситься на мышь). Il tenait son chapeau de la main gauche, pour parer (он держал свою шляпу в левой руке, чтобы парировать), son couteau en avant (свой нож впереди). C’est leur garde andalouse (это их андалузская стойка; garde, f – хранение; стойка). Moi, je me mis à la navarraise (я стал по-наваррски), droit en face de lui (лицом к нему), le bras gauche levé (подняв левую руку), la jambe gauche en avant (/выдвинув/ вперед левую ногу), le couteau le long de la cuisse droite (нож вдоль правого бедра; cuisse, f – бедро, ляжка).

Nous dîmes tous deux au Dancaïre de nous laisser place libre et franc jeu. Il vit qu’il n’y avait pas moyen de nous arrêter, et il s’écarta. Garcia était déjà ployé en deux comme un chat prêt à s’élancer contre une souris. Il tenait son chapeau de la main gauche, pour parer, son couteau en avant. C’est leur garde andalouse. Moi, je me mis à la navarraise, droit en face de lui, le bras gauche levé, la jambe gauche en avant, le couteau le long de la cuisse droite.

Je me sentais plus fort qu’un géant (я чувствовал себя сильнее великана). Il se lança sur moi comme un trait (он бросился на меня стрелой: «как стрела»); je tournai sur le pied gauche (я повернулся на левой ноге) et il ne trouva plus rien devant lui (и он не нашел больше ничего перед собой = перед ним оказалось пустое место); mais je l’atteignis à la gorge (но я поразил его в горло; atteindre – достигать; поражать), et le couteau entra si avant, que ma main était sous son menton (и нож прошел так /далеко/ вперед, что моя рука уперлась ему в подбородок: «была под его подбородком»). Je retournai la lame si fort qu’elle se cassa (я повернул клинок так сильно, что он сломался; lame, f – тонкая пластинка; лезвие; клинок). C’était fini (/все/ было кончено). La lame sortit de la plaie (клинок вышел из раны) lancée par un bouillon de sang gros comme le bras (вытолкнутый струей крови толщиной с руку). Il tomba sur le nez (он упал ничком: «на нос»), raide comme un pieu (прямой как кол; raide – негибкий, несгибающийся, негнущийся; одеревенелый).

Je me sentais plus fort qu’un géant. Il se lança sur moi comme un trait; je tournai sur le pied gauche et il ne trouva plus rien devant lui; mais je l’atteignis à la gorge, et le couteau entra si avant, que ma main était sous son menton. Je retournai la lame si fort qu’elle se cassa. C’était fini. La lame sortit de la plaie lancée par un bouillon de sang gros comme le bras. Il tomba sur le nez, raide comme un pieu.

– Qu’as-tu fait? me dit le Dancaïre (что ты сделал/наделал, – сказал мне Данкайре).

– Écoute, lui dis-je (послушай, – сказал я ему); nous ne pouvions vivre ensemble (мы не могли жить вместе). J’aime Carmen, et je veux être seul (я люблю Кармен, и я хочу быть одним). D’ailleurs, Garcia était un coquin (к тому же Гарсия был мерзавец; coquin, m – плут; мерзавец), et je me rappelle ce qu’il a fait au pauvre Remendado (и я помню, что он сделал с беднягой Ремендадо). Nous ne sommes plus que deux, mais nous sommes de bons garçons (нас только двое теперь, но мы отличные парни). Voyons, veux-tu de moi pour ami, à la vie, à la mort (скажи, хочешь, буду тебе другом на всю жизнь: «хочешь меня другом на жизнь, на смерть»)?

– Qu’as-tu fait? me dit le Dancaïre.

– Écoute, lui dis-je; nous ne pouvions vivre ensemble. J’aime Carmen, et je veux être seul. D’ailleurs, Garcia était un coquin, et je me rappelle ce qu’il a fait au pauvre Remendado. Nous ne sommes plus que deux, mais nous sommes de bons garçons. Voyons, veux-tu de moi pour ami, à la vie, à la mort?

Le Dancaïre me tendit la main (Данкайре протянул = пожал мне руку). C’était un homme de cinquante ans (это был мужчина лет пятидесяти).

– Au diable les amourettes! s’écria-t-il (к черту любовь, – воскликнул он; amourette, f – мимолетная любовь, интрижка). Si tu lui avais demandé Carmen (если бы ты попросил у него Кармен), il te l’aurait vendue pour une piastre (он продал бы тебе ее за один пиастр). Nous ne sommes plus que deux (теперь нас только двое); comment ferons-nous demain (как мы справимся завтра)?

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